vendredi 30 mars 2012

5 Octobre: de Xiahe à Jiuzhaigou via Langmusi


Après une bonne nuit (fraîche mais sous un monceau de couettes) dans notre petit hôtel tibétain, nous nous réveillons en pleine forme sous notre plafond décoré de couleurs vives.

Dehors, il fait moins deux, le ciel est bleu, le soleil brille et les pèlerins se dirigent vers le temple : tous les trois ou quatre pas, ils se prosternent profondément (un peu comme s’ils faisaient des pompes…) puis se relèvent et continuent leur chemin.

C’est un parcours assez athlétique : leurs genoux sont protégés d’une espèce de grand tablier et leurs mains recouvertes de morceaux de tissu ou de cuir… Nous n’osons pas trop nous approcher pour prendre des photos.
Quand YZ arrive, nous sommes fin prêts et embarquons docilement, sans un mot de trop, vers de nouvelles aventures !





Nous roulons en silence au milieu des steppes et arrivons ainsi à Hezuo, capitale régionale et lieu de transit entre le Gansu et le Sichuan. Nous sautons allègrement l’immense Tso Gompa (principal monastère de la région) ainsi que le palais Milarepa (peintures murales colorées, divinités tantriques et météorite sacrée, etc.) dont l’architecture en forme de tour est inhabituelle dans le monde tibétain. Tout ce que je vous en dis est un témoignage indirect (divers guides) car nous ne prenons pas la peine, ni le temps, de faire une pause dans ces endroits que nous traversons pour la première (et sans doute dernière) fois de notre vie !
Les champs de céréales (orge ?) et les douces collines où paissent des moutons et des yacks se succèdent, le tout ponctué de villages tibétains dont les maisons adossées à la montagne sont équipées de vérandas orientées plein Est.
Il fait un temps radieux : 4°, ciel bleu sans un nuage, collines vertes parsemées des tentes blanches des nomades et des troupeaux de moutons et de yacks.
Nous passons allègrement les 3600 mètres d’altitude avec à l’horizon proche les sommets enneigés qui culminent à 5-6000 mètres, quand nous entrons dans la province du Sichuan, tout près de Langmusi, l’un des sites où il est prévu que nous ferons une pause dans notre course folle.
Le site est enchanteur et, d’après notre guide, mérite plusieurs jours de détente : visite des nombreux monastères ; randonnées à pied ou à cheval dans des prairies escarpées, des forêts persistantes, des sommets enneigés ; le tout sous la lumière éblouissante, le ciel bleu, etc.
Mais, calmons nous : nous allons y passer 2 heures, pendant que nos acolytes se livrent à leurs activités favorites ; à savoir faire laver la voiture et aller manger ! YZ ne les accompagne pas, mais part à la chasse au trésor, en quête de quelques photos ethniques et authentiques.



Pour JL et moi, c’est l’un des moments les plus frustrants de ce voyage car nous avons perdu même l’envie d’aller faire une balade hors des sentiers balisés, pendant la misérable heure qui nous est concédée.
Nous visitons l’un des temples (ils sont innombrables, disséminés dans toutes les collines environnant ce site exceptionnel) puis flânons au milieu des résidences des moines, discutons avec quelques enfants qui nous entourent... Bref, nous restons aux environs du temple principal et nous attendons… qu’on en finisse !
Quand nos acolytes reviennent, nous sommes prêts à partir : ce n’est pas le moment de traîner ; il est 14 heures et il nous reste environ 350 km à parcourir sur des routes de montagne sans doute agrémentées de quelques chantiers, embouteillages, etc. Détail piquant : SR, dont j’ai déjà signalé le solide appétit et qui trimbale dans le coffre de son Cherokee des provisions en tout genre (une véritable épicerie) insiste pour nous munir de quelques vivres, ce que nous déclinons : « nous n’avons pas faim ». En désespoir de cause, elle décide de nous hydrater : nous n’échappons donc pas à quelques bouteilles d’eau. Nous n’en croyons pas nos yeux : elle trimballe depuis Pékin (5500 km) des bouteilles de 25 cl d’eau… d’Evian !
Nous roulons en silence sous un soleil intense. Le paysage est magnifique : montagnes enneigées étincelantes au loin, et murailles de grès rose le long de la route ; jusqu’au moment où nous arrivons à l’entrée d’un tunnel au bout duquel nous devrions (enfin !) retrouver une autoroute… En fait, cela va prendre un certain temps car le tunnel est bloqué par des travaux : nous sommes entourés de camions énormes et puants qui se pressent sur deux et même quelquefois trois files alors qu’une seule voie entre dans le tunnel… sans compter les petits malins qui essaient de forcer le passage en se ‘faufilant’ ! Nous mettrons quarante minutes à parcourir ce tunnel qui fait environ 1,5 km. Je ne sais pas combien d’heures y passent les ouvriers qui travaillent dans la puanteur des gaz d’échappement et le bruit infernal des moteurs. Quand nous arrivons à l’air libre, on nous annonce un péage !
Nous sommes maintenant sur un immense plateau couvert de steppe, peuplé de moutons et de yacks et parsemé de tentes des nomades qui gardent les troupeaux. Il est 17 heures et il nous reste 200 km à parcourir : c’est interminable. JL et moi sommes obstinément muets, complètement écœurés par la désinvolture avec laquelle nos compagnons nous traitent, nous et l’accord passé il y a moins de 3 jours.
Vers 18 heures, nous faisons une pause dans un village anonyme ou plus exactement à l’entrée de ce village : nécessité oblige ; ces dames vont faire pipi dans les broussailles avoisinantes… Nous avons atteint 3840 mètres d’altitude et le fond de l’exaspération et de la frustration : en effet, nous traversons plusieurs villages tibétains magnifiques sans leur accorder un regard, ni même ralentir notre course folle. Il ne faut pas faire baisser la moyenne et, de toute façon, la nuit ne va pas tarder à tomber. Qu’à cela ne tienne, ce sera encore plus amusant de rouler de nuit, d’autant plus que nous abordons une route en lacets de plus en plus étroite et de plus en plus fréquentée. En effet, nous arrivons vers l’un des sites les plus réputés de la région – Jiuzhaigou, pris d’assaut en cette période de vacances. Il fait nuit, la circulation est infernale et les conducteurs pressés d’arriver prennent  – nous font prendre – des risques inconsidérés. Bref, l’ambiance est plus que pesante quand nous arrivons dans l’hôtel excentré que nous a réservé WJ. Ici encore, nous bénéficions d’un tarif spécial ‘étrangers’, assorti d’un service grincheux : le bonheur ! JL sort de son mutisme prolongé pour déclarer que nous sommes vieux et fatigués et que nous le serons encore demain toute la journée : nous souhaitons rester seuls, et piétons, pendant au moins pendant 24 heures…
Résultat des courses : enfin seuls en compagnie de ce bon vieux Jack Daniels qui va en prendre un vieux coup, nous retrouvons notre sérénité et dressons des plans pour demain !