Ce matin :
vacances ! Nous avons décidé d’aller, par nos propres moyens, visiter la
réserve naturelle de Jiuzhaigou). Il nous faut d’abord nous
orienter car nous sommes arrivés de nuit dans cet hôtel et manquons totalement
de points de repère. En fait, nous sommes dans une sorte de ghetto pour
touristes : hôtels, restaurants, boutiques, etc. Ayant trouvé assez vite
une carte, de l’eau et de quoi pique-niquer, nous nous rendons sur la route
avec l’intention de prendre un taxi jusqu’à l’entrée du site (que nous évaluons
à 5-10 km). Un couple de jeunes australiens attend déjà et ils acceptent tout
de suite de partager le taxi qui ne tarde pas à arriver. Moins d’un quart
d’heure plus tard, nous voilà à pied d’œuvre, sur un parking gigantesque et face
à une rangée impressionnante de postes de contrôle des tickets d’entrée.
Un grand nombre de
bus électriques du plus beau vert circulent sans relâche à l’intérieur du parc,
s’arrêtant dans les refuges prévus à partir desquels on peut emprunter les
sentiers – en fait des passerelles de bois et/ou des escaliers (de bois aussi)
– qu’il est hors de question de quitter pour aller batifoler, ou même seulement
marcher, dans les sous bois : nous sommes dans un site naturel dont il
convient de préserver le moindre brin d’herbe. Comme nous y sommes nombreux
(des hordes que JL a pris un malin plaisir à photographier pour vous donner une
idée de la fréquentation et de son organisation), il est déconseillé, et de
toute façon quasi-impossible, de s’échapper du troupeau !
Ceux de nos
amis randonneurs (Marc, Julie, Marie-Thérèse…) qui affectionnent les sentiers
déserts, isolés et sauvages sont prévenus !
Aux endroits
stratégiques, des plates-formes sont prévues pour admirer le paysage mais
surtout pour que chacun puisse prendre en photo sa petite amie posée
langoureusement sur la barrière de protection, ou déguisée en costume de la Chine impériale. Il est très difficile d’approcher
de cette barrière juste pour regarder le paysage ou alors, il faut jouer des
coudes, à la chinoise !
Jiuzhaigou, qui
signifie ‘ravin aux neuf villages’, doit son nom aux neuf villages tibétains
Baima disséminés dans la
région. Le site accueille chaque année plus d’un million et
demi de visiteurs qui se pressent à bord des navettes, le long des sentiers
aménagés et sur les sites les plus spectaculaires. La plupart des habitants ont
été contraints de déménager ‘afin de protéger le parc’. Les rares tibétains qui
habitent dans l’enceinte du parc (à l’écart des chemins balisés…) y exercent
des ‘petits boulots’ (location de costumes pour se faire prendre en photo, par
exemple) : la véritable raison de leur présence étant de sauver les apparences
en entretenant l’illusion d’une vie locale.
D’après la
légende, le site de Jiuzhaigou est issu de la chute d’un miroir magique qui, en
tombant sur le sol, se brisa en 118 morceaux formant les lacs turquoises
étincelants qui parsèment la
forêt. A cette période de l’année, c’est un festival de
couleurs : bleu des lacs et des cascades, couleurs mordorées de la
végétation, blanc éblouissant des sommets enneigés qui surplombent le tout. Ne
boudons pas notre plaisir : on peut assez facilement faire abstraction de
la foule pour admirer cette merveille (site classé en 1992 au Patrimoine
mondial de l’humanité par l’UNESCO ; à juste titre).
Nous avons passé
la journée dans le parc, avons pique-niqué dans un sous bois relativement peu
fréquenté, et arpenté nombre de « sentiers » et d’escaliers, en
longeant divers plans d’eau au bord desquels nous avons fait quelques
rencontres : en particulier ce couple de chinois et leur fille originaires
de Ha’erbin (ville située dans la partie nord de l’ex Mandchourie : frontière
avec la Russie au nord est et la Mongolie intérieure au nord ouest). Ils sont
venus discuter avec nous, nous invitant à leur rendre visite, et nous racontant
en particulier qu’ils étaient venus en France au festival de Cannes !
Notre rencontre s’est terminée par l’inévitable séance de photos…
Après une brève
visite du musée installé à l’entrée du site, nous nous mettons en quête d’un
taxi pour retourner à l’hôtel. C’est beaucoup plus compliqué qu’à l’aller car
des policiers zélés mais inefficaces tentent de mettre un peu d’ordre dans les
diverses queues qui stagnent sur le parking. Finalement, on ne s’en sort qu’en
appliquant la bonne vieille méthode : un mépris total de l’ordre d’arrivée
des clients et quelques coups de coude bien appliqués aux concurrents pour
s’imposer. Au bout de dix minutes, c’est réglé.
Nous sommes ravis
de notre journée et accueillons gentiment YZ qui vient prendre de nos nouvelles
et nous annoncer qu’ils ont fait une super visite du site (dont nous revenons à
l’instant…), qu’ils vont prendre un peu de repos et ensuite aller dîner (avec
nous si nous ne sommes pas trop fatigués !). Précision importante : c’est
SR (qu’entre nous nous appelons Peggy) qui régale !
Quand nous
arrivons au resto, c’est le branle bas de combat : nos compagnons meurent
de faim. D’ailleurs, SR ne peut plus attendre : avant toute chose, elle
sort de sa besace un grand pot de yaourt (lait de yack : beurk !)
qu’il nous faut ingurgiter (je m’en dispense…). Pour faire la distribution,
elle est allée d’autorité chercher des bols dans la cuisine où elle se comporte
en terrain conquis… sous le regard goguenard des serveurs et du patron.
Tout en
lapant son yaourt, elle expertise la carte… La commande prend alors des allures
de surenchère : rien n’étant trop beau pour sceller l’unité retrouvée du
groupe, SR et RM, en femmes de tête, prennent les choses en main, et commandent
à tout va le plus possible de plats que le patron note placidement. La liste en
est déjà bien longue quand, tout à coup, SR s’avise en apercevant l’aquarium
qui occupe le mur du fond du resto que, malheur, elle n’a pas commandé de
poisson ! Elle apostrophe un serveur qui est mis en demeure de réparer au
plus vite cette négligence, pour ne pas dire cette faute de goût ! C’est
alors que se produit la catastrophe : le poisson que vient de pêcher le
serveur se débat tant et tant qu’il échappe aux mains du gars et finit par
atterrir sur le pavé quelque peu graisseux du resto où il continue à se
contorsionner sous l’œil narquois de plusieurs témoins (qui préfèrent
garder l’anonymat) et les vociférations de SR qui exige qu’on lui en pêche un
autre ! Là dessus, nous cessons de nous intéresser au sort de ce
malheureux poisson car nos plats – délicieux et abondants – arrivent. On se
régale, sauf YZ qui n’aime pas le piment, au contraire de ses amis… Enfin, en
guise de dessert, le poisson tant attendu arrive. C’est plutôt une soupe,
délicieuse d’ailleurs, où surnagent des légumes, du piment, des champignons, et
‘of course’, quelques bribes de poisson… A vrai dire, plus personne n’a faim et
c’est bien suffisant… Nous nous apprêtons donc à quitter les lieux (les chinois
ne traînent pas à table) sans tarder quand SR s’empare de l’addition, comme
prévu. Tout d’abord, elle s’étouffe et reste sans voix. Ce répit n’est que de
courte durée et elle reprend vite ses esprits et sa véhémence au vu de
l’addition, et plus particulièrement du prix qui lui est facturé pour ce foutu
poisson qui se paye (cher !) au poids, ce dont elle ne s’était pas
souciée, occupée qu’elle était à mettre de l’ordre dans la cuisine puis à se
goinfrer à table… L’ambiance se détériore rapidement en même temps que le ton
monte et que les clients prennent parti dans la discussion : Y avait-il
vraiment un kilo de poisson ? Est-il normal que cette seule soupe
représente la moitié de l’addition ? Doit-on, en plus payer les bols de
riz ? Etc. Les trois hommes s’esquivent dignement, laissant à SR et RM le
soin de régler ces problèmes d’intendance… La discussion se poursuit, à grand
fracas, jusque sur le trottoir, surtout quand JL et moi proposons benoîtement
(et en toute hypocrisie) de régler une partie de l’addition ! Suggestion
refusée, à l’unanimité : pas question pour SR de perdre la face (surtout
devant des étrangers) ; en plus ce n’est pas une question d’argent mais de
principe ; bref, un vrai bon moment qui nous console de bien des
humiliations !
N.B. Cette scène d'anthologie n'a pas fait l'objet de photos... Soyez imaginatifs !
Et maintenant, au
lit et à demain pour de nouvelles aventures.
Et bien ça valait le coup d’attendre ! Les photos sont superbes et le récit plus serein avec toujours ses pointes d’ironie. Et toujours aussi intéressant. Bien le repas ! On sent que les désillusions au lendemain du voyage s’estompent.
RépondreSupprimerDes photos de SR et RM dans le prochain post ?
avec le coffre-épicerie? :)
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