lundi 13 février 2012

Mardi 4 Octobre : de Linxia à Xiahe

Ce matin, il pleut. La route qui longe la vallée du fleuve Daxia He est bonne mais un peu monotone (ça nous change de celle d’hier), bordée de champs de maïs et de légumes. Nous sommes en pays musulman : les édifices sont un mélange de temples et de mosquées, une curiosité… Après une vallée fertile (et paisible : des petits villages, presque pas de 4x4, surtout des mobylettes et des motoculteurs), nous passons dans un paysage plus escarpé. De hautes collines aux couleurs d’automne nous encadrent, mais elles sont pour l’essentiel plongées dans le brouillard. Nous quittons la nationale 213 en direction de Xiahe (2900 mètres d’altitude) en traversant de petits villages tibétains (petites maisons basses en torchis) orientées plein est. Le ciel bleu est de retour.

Xiahe est une étape importante : l’un des foyers de la résistance tibétaine au pouvoir central de Pékin. Ainsi, lors des émeutes de mars 2008 à Lhassa, des manifestations et des affrontements violents ont eu lieu à Xiahe (19 morts) ; de même, au printemps 2009 (50ème anniversaire du soulèvement tibétain de 1959) la surveillance a été accrue et l’accès des étrangers à Xiahe fortement restreint.

Le monastère de Labrang (à Xiahe) est l’un des six principaux sanctuaires de la secte des Gelugpa – bonnets jaunes –  dont je vous ai parlé dans un précédent message (ici, j’en ai des photos). La population comporte une majorité de tibétains (50%) qui ‘cohabitent’ avec des Han (40%) et une minorité de 10 % de Hui (confession musulmane). Le monastère de Labrang se trouve à mi-chemin sur l’unique grande rue qui traverse la ville et qui marque la limite entre le quartier est (Han et Hui principalement) et le village tibétain, à l’ouest.
Avant toutes choses, nous allons visiter le monastère. Il compte actuellement 1200 moines venus de diverses provinces (Qinghai, Gansu, Sichuan, Mongolie Intérieure). Dans l’enceinte du monastère se trouvent plusieurs temples, les résidences et les quartiers des moines ainsi que plusieurs instituts (tratsang) dans lesquels sont enseignés le bouddhisme ésotérique, la théologie, la médecine, l’astrologie et la doctrine. Les divers bâtiments ne peuvent être visités que dans le cadre d’un circuit guidé. Nous avons donc bénéficié des explications et commentaires d’un jeune moine anglophone (pas de francophone disponible) très érudit, et très intéressant. Quand il n’est pas ‘de service’, il étudie la philosophie sous la direction d’un maître et perfectionne son anglais, déjà très bon, pour assurer son travail de guide.
Nous avons vu en particulier l’institut de médecine, le temple d’or et la principale salle de prière (salle du grand Sutra), ainsi qu’une exposition de sculptures en beurre de yack (toujours aussi odorantes). Notre guide nous a expliqué à ce propos que les sculptures sont colorées dans la masse avec des pigments naturels et sont exposées pendant une année au terme de laquelle elles sont utilisées à des fins médicinales après avoir été fondues.

Une nouvelle série est alors mise en place. Il y avait ce jour là un nombre très important de moines venus d’autres monastères et la salle de prière était trop petite pour les contenir tous. Nous nous sommes promenés longuement dans cette atmosphère recueillie, au son des psalmodies ponctuées par les cymbales et les gongs. C’est là que nous avons pu voir de près le costume si particulier des Gelugpa (surtout le bonnet…).
Seuls YZ, JL et moi avons suivi cette visite, les trois autres se bornant à flâner autour des temples en nous attendant pour aller… manger !
En sortant de la visite du temple, nous retrouvons nos acolytes qui ont patienté tout ce temps (maximum 2 heures) en allant… faire laver la voiture !

Quand nous retournons au ‘centre ville’, le problème n°1 est de trouver un hôtel : dans le premier que nous visitons, on n’accepte pas les étrangers… Dans le deuxième, il y a de la place mais, cette fois, ce sont les étrangers qui n’acceptent pas d’y aller ! En effet, JL et moi avons pris quelques décisions. Suit une explication de texte quand nous informons YZ de nos projets : en effet, ayant décidé d’aller dans l’hôtel que signale le Lonely Planet, tout près du temple et en plein cœur du quartier tibétain et nous étant assurés par téléphone qu’il y avait de la place, nous y avons réservé une chambre ; nous avons également décidé de faire sécession au moins jusqu’au lendemain matin… Nous ne pouvons cependant pas échapper au repas de midi dans le resto de l’hôtel où WJ et SR ont déjà réservé une chambre pour la nuit et… une table pour le déjeuner. Nous apprenons alors que l’étape de demain est modifiée de façon unilatérale, tellement modifiée qu’elle est purement et simplement supprimée ! La raison invoquée est le manque de temps : les amis d’YZ ont soudain réalisé qu’ils devaient rentrer à Pékin dès samedi, peut-être même vendredi ! Nous partirons donc de bonne heure demain matin, mercredi, irons au passage visiter Langmusi (juste pour nous faire plaisir), puis filerons le plus vite possible (!) vers Jiuzhaigou.

L’accord de Xining aura vécu deux jours… et notre statut de marchandises transportées s’affirme de plus en plus clairement, à telle enseigne que nous nous dispensons du moindre commentaire ! Après un repas qui nous semble interminable, YZ nous dépose avec armes et bagages à l’hôtel tibétain et nous fixe rendez-vous le lendemain matin, de très bonne heure… OUF !
L’après-midi est très détendu. Nous arpentons à plusieurs reprises l’unique rue commerçante, achetons diverses babioles (des bottes tibétaines, des boites à trésor, des cymbales et même des lunettes dont les verres sont taillés dans un quartz spécial et dont je doute que Ludo ait le courage de les exhiber…).

L’après-midi se termine par une balade dans le village tibétain, autour du temple. Des travaux sont en cours : les ruelles sont défoncées, les canalisations en cours d’installation, etc.


Nous passons une excellente nuit réparatrice : il fait frais mais nous avons des couettes et des couvertures et surtout nous sommes… tranquilles et attendons sereinement qu’YZ vienne nous cueillir demain matin pour une nouvelle course folle dans les plateaux tibétains et les steppes si photogéniques !  

mercredi 8 février 2012

Lundi 3 Octobre 2011: de Tongren à Linxia

Nous sommes ponctuels (8 heures) dans le hall de l’hôtel (mais oui, Yasmina : j'ai dormi là !). Les autres descendent en rangs dispersés, un peu en retard car l’eau chaude se faisait désirer… Nous affirmons que nous n’avons eu aucun problème de ce genre, sans doute parce que nous avons payé le prix fort ! Pour bien enfoncer le clou, je demande un reçu. Ça prend un certain temps mais ça marche… On a les plaisirs qu’on peut !
En route dans les voitures, mais c’est juste pour aller prendre le petit déjeuner, en face de l’hôtel ! Après une bonne soupe de nouilles avalée (ou plutôt aspirée) à grand bruit, nous voilà partis en direction de Sengeshong, à 6 km de Tongren, où se trouve un immense temple tibétain : le Wutun Si, qui comporte un monastère supérieur (Yango) et un monastère inférieur (Mango).

C’est dans ce dernier que nous nous rendons. Il comporte de nombreux temples qui ne sont pas tous ouverts, loin de là, et une salle d’exposition et de vente de peintures, fabriquées sur place par les moines résidents.


Il semble que l’école du monastère supérieur est la plus renommée, mais ce dernier était en travaux lors de notre visite. Le monastère inférieur, où nous nous sommes rendus comporte également une école d’art, où sont réalisés des Tankas et des Mandalas.
Quand nous arrivons devant le temple principal, il y a un monde fou.







  
De nombreux fidèles, hommes femmes et enfants de tous âges, sont assis sur le parvis. Comme de juste, les hommes sont d’un côté, tranquilles, et les femmes et les enfants, de l’autre. Des moines distribuent du pain, des brioches et du lait de yack à tout le monde, même à nous.
Une fois restaurés, nous visitons plusieurs pavillons dans lesquels des moines récitent des soutras, agitent des clochettes et frappent des cymbales d’airain dont le son persistant nous accompagne. Les photos sont autorisées.

Nous déambulons un bon moment entre les hauts piliers couverts de tentures richement colorées et dorées, dans une ambiance très sereine rythmée par la mélopée que psalmodient les moines.



Quand nous ressortons, nous allons visiter l’un des ateliers de peinture où nous faisons l’acquisition d’un mandala que l’artiste nous emballe soigneusement dans un morceau de journal. Je l’ai fait encadrer dès notre retour.
Après cette halte spirituelle, nous partons vers Xunhua empruntant tout d’abord une route encaissée entre de hautes murailles de grès rose puis des steppes peuplées de yacks et de tentes de bergers : nous atteignons 3315 mètres d’altitude sous le brouillard et dans le froid.

Juste avant d’arriver à Xunhua, nous sommes à nouveau environnés de falaises aux tons gris-vert couvertes de végétation mordorée qu’escaladent les moutons en équilibre précaire. Arrivés à Xunhua, vite, on va manger ! Le restaurant comporte plusieurs petites salles indépendantes entourant une cour intérieure.
On nous sert tout d’abord du thé aux épices, brûlant et très sucré puis un repas essentiellement à base de mouton : nous sommes chez les Salar, un peuple de confession musulmane venu de Samarkand au 13ème siècle et parlant une langue turque.
Les femmes portent les mêmes coiffes que celles rencontrées à Qilian et les enfants font éclater de gros pétards, sans doute les restes de la fête nationale.
Entre Xunhua et la réserve de Mendga, nous empruntons une route magnifique : les gorges Jishi, creusées par le fleuve jaune que nous longeons. C’est une débauche de couleurs : le rouge orangé des falaises, le jaune d’or de la végétation et le vert du fleuve ; on ne sait plus où donner de la tête.
Cependant
, nous ne faisons pas de halte, même pour prendre des photos ( !) de ce site grandiose, car il est urgent de trouver la réserve… Quand nous y parvenons, nos amis, s’étant aperçu qu’il faut laisser les voitures et… marcher pour la visiter, décident au terme d’un bref conciliabule que finalement, il est trop tard !
Nous reprenons donc la route en direction de Linxia où nous avons prévu de passer la nuit (conformément à l’accord de Xining ratifié il y a deux jours). Nous croyons toucher au but et, patatras, c’est le chaos total : nous allons mettre 3 heures à parcourir une cinquantaine de kilomètres dans un chantier indescriptible. Il n’y a pour ainsi dire pas de route mais une vague piste boueuse peuplée de pelleteuses, de camions, et aussi d’hommes et de femmes qui creusent et transportent la terre. Nous traversons des villages aux rues défoncées dont les habitants pataugent dans la gadoue. Depuis combien de temps et surtout pour combien de temps encore vivent-ils dans ces conditions misérables ?
 Parfois, nous débouchons au milieu de nulle part et il faut alors rebrousser chemin et trouver une déviation. Il y a bien longtemps que le GPS s’est tu et que nous n’avons plus idée de la direction à prendre, tant nous avons fait de tours et de détours, quand nous nous trouvons coincés et sommés de faire demi-tour une fois de plus. Heureusement, un jeune homme en moto vient à notre secours : il a dû lui aussi faire demi-tour car la ‘route’ est coupée ; mais il connaît le coin et nous propose de le suivre. Il va bientôt faire nuit, nous n’avons aucune idée de l’endroit où nous sommes ni de la distance qui reste à parcourir ; autant dire que l’ambiance est lourde ! Enfin, alors que nous n’y croyons plus, nous nous retrouvons sur une vraie route : notre destination est même indiquée sur une pancarte ! Quand nous arrivons à l’hôtel, il est 20 heures : nous avons quitté Xunhua à  11 heures ! L’accueil à la réception de l’hôtel n’est pas des plus agréables. En particulier, seuls les chinois munis de la carte d’identité chinoise paient le tarif standard ; les autres voyageurs, ceux qui n’ont qu’un passeport (c’est-à-dire nous bien sûr mais aussi YZ) doivent acquitter un supplément… conséquent).
Nous nous séparons et chacun rentre chez soi : les vieux sont fatigués ; c’est la version officielle. En fait, il est urgent d'honorer la bouteille de Jack Daniels que nous trimballons depuis Pékin !
A la vôtre !

jeudi 2 février 2012

Dimanche 2 Octobre : de Xining à Tongren

Après une excellente nuit et un petit déjeuner quelconque, nous prenons tout notre temps pour ranger les affaires. Nous ne sommes pas pressés : l’heure du départ a été différée pour permettre à WJ et SR, nos nouveaux compagnons, d’aller faire faire l’entretien de leur véhicule. Vers 11 heures, nous embarquons enfin. Le temps est frais, gris et humide. Notre premier objectif de la journée, le monastère de Kumbum (Ta’er Si en mandarin) se situe à 25 km au sud de Xining.

Il s’agit de l’une des six grandes lamaseries de la secte bouddhiste tibétaine des Gelugpa (Bonnets jaunes, dont vous verrez des photos dans un prochain billet).  Elle a été construite en 1560, en l'honneur de Tsongkhapa, le fondateur de la secte des Bonnets jaunes, branche du bouddhisme qui a notamment abouti à la lignée des dalaï-lamas. A l’entrée, nous longeons une rangée impressionnante de moulins à prières que les visiteurs font tourner sur leur axe tout en marchant. Devant des tentures richement brodées, des fidèles se prosternent méthodiquement et… longuement !

 
 Le site comporte neuf temples richement décorés et abritant des statues, des peintures et des manuscrits tibétains. En sortant de la petite salle aux tuiles dorées (36 kg d’or), construite à la fin du 17ème siècle et restaurée à la fin du 20ème, on arrive au temple de la longévité, qui date, lui, de 1717 et a été construit pour honorer la longévité remarquable du 7ème Dalaï-lama.



Un chorten (l’équivalent des stupas dans le bouddhisme tibétain) de 13 mètres de hauteur marque l’entrée du plus important des neuf temples que compte le monastère : la grande salle aux tuiles d’or qui se trouve au centre.




Cette salle principale abrite une pagode recouverte d'une tonne et demie d'argent, et son toit, qui est recouvert de 350 kilos d'or, est rehaussé de sculptures dorées représentant des daims, des drapeaux et des vases religieux, symboles du bouddhisme.

Enfin, ce monastère abrite, et c'est l'une de ses principales curiosités, un grand nombre de sculptures en… beurre de yack ! Ces sculptures, réalisées par les moines pendant les mois les plus froids, représentent divers personnages et animaux de grande taille ainsi que des fleurs, des arbres, etc., le tout orné de vives couleurs et exhalant une indéniable odeur de beurre rance. Etonnant !

Dans cette lamaserie, placée sous la protection (?) de l'Etat, les moines apprennent les soutras, la médecine tibétaine, l'astronomie, la culture tibétaine ainsi que la fabrication des sculptures de beurre.

En sortant de ce site, nous nous trouvons sur une sorte de marché en plein air dans lequel sont aménagés de nombreux stands de nourriture alors que quelques tables et tabourets accueillent les visiteurs prêts à déguster les productions locales : yaourts aigres, épis de maïs, brochettes de viande de mouton et de yack, ainsi que des patates douces cuites.


Après une dégustation de ces différents produits, nous retrouvons nos véhicules respectifs et reprenons la route en direction de Tongren. Ayant passé à peu près 3 heures (repas compris) autour d’un temple, nous avons bien mérité d’en passer au moins autant sur l’autoroute ! Ainsi, au lieu de prendre la petite route directe pour Tongren, nous retournons à Xining pour y retrouver l’autoroute, non sans quelques errements préalables dans un fouillis de bretelles et d’échangeurs… Le souci de la performance kilométrique en matière de transport autoroutier prime manifestement sur le sens de l’orientation de nos nouveaux compagnons ! Il faut dire à leur décharge que vu la frénésie de construction de routes, autoroutes et autres bretelles, les GPS sont vite obsolètes et perdent toute utilité.
Quand nous atteignons la vallée du fleuve jaune, ayant quitté l’autoroute, nous nous trouvons dans un très beau paysage de rizières et de collines de lœss. Après une petite pause (c’est l’heure du goûter pour SR : il faudra vous habituer à son rythme ; telle un nourrisson, elle s’alimente à peu près toutes les trois heures), nous poursuivons notre route.
Le paysage est grandiose : d’un côté, des cultures (riz et légumes) en terrasse ; de l’autre les montagnes de schiste rouge orangé et pourpre qui tombent à pic dans le fleuve jaune (qui en dépit de son nom est d’un bleu transparent).

Quand nous arrivons à Tongren, nous tombons nez à nez avec un édifice en fin de construction : c’est l’immeuble destiné à abriter la bureaucratie gouvernementale. Il est monumental et son architecture grandiloquente commence à nous être familière… WJ et SR prennent le contrôle des opérations de recherche d’hôtel et comme il est impératif de trouver un hôtel avec parking, accès internet, salles de bain luxueuses (à part l’eau chaude distribuée chichement à des heures variables…), etc., nous atterrissons dans l’hôtel officiel, à deux pas de l’immeuble du gouvernement, sur une grande avenue sans aucun caractère, bref tout ce que nous aimons au point d’aller le rechercher au bout du monde ! Cerise sur le gâteau : si les étrangers sont tolérés, il leur faut payer le prix fort (+ 50% par rapport au tarif appliqué aux chinois Han bon teint… à condition qu’ils aient une carte d’identité en règle !).
Pendant que nos amis vont faire… laver les voitures (!) JL et moi allons faire un tour de ville. Sans aucune difficulté, nous trouvons la gare routière où nous serions arrivés si notre tentative d’évasion avait abouti. Aux alentours, c’est le quartier tibétain où nous trouvons des hôtels, des restos, un marché.
Puis, nous retrouvons nos petits camarades dans le resto qu’ils ont choisi : à nouveau c’est une débauche de plats qui s’amoncellent sur la table et qu’il faut engloutir aussi vite que possible pour soutenir le rythme de nos nouveaux amis, décidément voraces et pressés ! Bref, une fois le repas expédié, JL et moi rentrons directement à l’hôtel pendant que les jeunes vont ‘faire un tour en ville’ ou plus exactement le tour de l’hôtel, soit environ 200 mètres, mais à pied !
A demain : rendez vous à 8 heures dans le hall de l’hôtel, je vous attends.