Ce matin, il pleut. La route qui longe la vallée du fleuve Daxia He est bonne mais un peu monotone (ça nous change de celle d’hier), bordée de champs de maïs et de légumes. Nous sommes en pays musulman : les édifices sont un mélange de temples et de mosquées, une curiosité… Après une vallée fertile (et paisible : des petits villages, presque pas de 4x4, surtout des mobylettes et des motoculteurs), nous passons dans un paysage plus escarpé. De hautes collines aux couleurs d’automne nous encadrent, mais elles sont pour l’essentiel plongées dans le brouillard. Nous quittons la nationale 213 en direction de Xiahe (2900 mètres d’altitude) en traversant de petits villages tibétains (petites maisons basses en torchis) orientées plein est. Le ciel bleu est de retour.
Xiahe est une étape importante : l’un des foyers de la résistance tibétaine au pouvoir central de Pékin. Ainsi, lors des émeutes de mars 2008 à Lhassa, des manifestations et des affrontements violents ont eu lieu à Xiahe (19 morts) ; de même, au printemps 2009 (50ème anniversaire du soulèvement tibétain de 1959) la surveillance a été accrue et l’accès des étrangers à Xiahe fortement restreint.
Le monastère de Labrang (à Xiahe) est l’un des six principaux sanctuaires de la secte des Gelugpa – bonnets jaunes – dont je vous ai parlé dans un précédent message (ici, j’en ai des photos). La population comporte une majorité de tibétains (50%) qui ‘cohabitent’ avec des Han (40%) et une minorité de 10 % de Hui (confession musulmane). Le monastère de Labrang se trouve à mi-chemin sur l’unique grande rue qui traverse la ville et qui marque la limite entre le quartier est (Han et Hui principalement) et le village tibétain, à l’ouest.
Avant toutes choses, nous allons visiter le monastère. Il compte actuellement 1200 moines venus de diverses provinces (Qinghai, Gansu, Sichuan, Mongolie Intérieure). Dans l’enceinte du monastère se trouvent plusieurs temples, les résidences et les quartiers des moines ainsi que plusieurs instituts (tratsang) dans lesquels sont enseignés le bouddhisme ésotérique, la théologie, la médecine, l’astrologie et la doctrine. Les divers bâtiments ne peuvent être visités que dans le cadre d’un circuit guidé. Nous avons donc bénéficié des explications et commentaires d’un jeune moine anglophone (pas de francophone disponible) très érudit, et très intéressant. Quand il n’est pas ‘de service’, il étudie la philosophie sous la direction d’un maître et perfectionne son anglais, déjà très bon, pour assurer son travail de guide.
Nous avons vu en particulier l’institut de médecine, le temple d’or et la principale salle de prière (salle du grand Sutra), ainsi qu’une exposition de sculptures en beurre de yack (toujours aussi odorantes). Notre guide nous a expliqué à ce propos que les sculptures sont colorées dans la masse avec des pigments naturels et sont exposées pendant une année au terme de laquelle elles sont utilisées à des fins médicinales après avoir été fondues.
Une nouvelle série est alors mise en place. Il y avait ce jour là un nombre très important de moines venus d’autres monastères et la salle de prière était trop petite pour les contenir tous. Nous nous sommes promenés longuement dans cette atmosphère recueillie, au son des psalmodies ponctuées par les cymbales et les gongs. C’est là que nous avons pu voir de près le costume si particulier des Gelugpa (surtout le bonnet…).
Seuls YZ, JL et moi avons suivi cette visite, les trois autres se bornant à flâner autour des temples en nous attendant pour aller… manger !
En sortant de la visite du temple, nous retrouvons nos acolytes qui ont patienté tout ce temps (maximum 2 heures) en allant… faire laver la voiture !
Quand nous retournons au ‘centre ville’, le problème n°1 est de trouver un hôtel : dans le premier que nous visitons, on n’accepte pas les étrangers… Dans le deuxième, il y a de la place mais, cette fois, ce sont les étrangers qui n’acceptent pas d’y aller ! En effet, JL et moi avons pris quelques décisions. Suit une explication de texte quand nous informons YZ de nos projets : en effet, ayant décidé d’aller dans l’hôtel que signale le Lonely Planet, tout près du temple et en plein cœur du quartier tibétain et nous étant assurés par téléphone qu’il y avait de la place, nous y avons réservé une chambre ; nous avons également décidé de faire sécession au moins jusqu’au lendemain matin… Nous ne pouvons cependant pas échapper au repas de midi dans le resto de l’hôtel où WJ et SR ont déjà réservé une chambre pour la nuit et… une table pour le déjeuner. Nous apprenons alors que l’étape de demain est modifiée de façon unilatérale, tellement modifiée qu’elle est purement et simplement supprimée ! La raison invoquée est le manque de temps : les amis d’YZ ont soudain réalisé qu’ils devaient rentrer à Pékin dès samedi, peut-être même vendredi ! Nous partirons donc de bonne heure demain matin, mercredi, irons au passage visiter Langmusi (juste pour nous faire plaisir), puis filerons le plus vite possible (!) vers Jiuzhaigou.
L’accord de Xining aura vécu deux jours… et notre statut de marchandises transportées s’affirme de plus en plus clairement, à telle enseigne que nous nous dispensons du moindre commentaire ! Après un repas qui nous semble interminable, YZ nous dépose avec armes et bagages à l’hôtel tibétain et nous fixe rendez-vous le lendemain matin, de très bonne heure… OUF !
L’après-midi est très détendu. Nous arpentons à plusieurs reprises l’unique rue commerçante, achetons diverses babioles (des bottes tibétaines, des boites à trésor, des cymbales et même des lunettes dont les verres sont taillés dans un quartz spécial et dont je doute que Ludo ait le courage de les exhiber…).
L’après-midi se termine par une balade dans le village tibétain, autour du temple. Des travaux sont en cours : les ruelles sont défoncées, les canalisations en cours d’installation, etc.
Nous passons une excellente nuit réparatrice : il fait frais mais nous avons des couettes et des couvertures et surtout nous sommes… tranquilles et attendons sereinement qu’YZ vienne nous cueillir demain matin pour une nouvelle course folle dans les plateaux tibétains et les steppes si photogéniques !