samedi 31 décembre 2011

Lundi 26 Septembre: la journée de tous les records

Aujourd’hui, le programme est chargé : visite des grottes de Mogao ; balade dans le désert et l’oasis de Mingsha Shan (mont des sables chantants) ; photos dans une forêt de peupliers  (dont les feuilles jaunes devraient être du plus bel effet en cette saison).

Commençons par la visite des grottes bouddhiques de Mogao dont on dit qu’elles sont parmi les plus remarquables du monde. Mogao est situé à 25 km de la ville actuelle de Dunhuang dans la falaise de Mingsha. Au pied des grottes serpente une rivière saisonnière nommée Daquan (grande source) qui arrose une petite oasis verdoyante et luxuriante.
« A son apogée, Mogao comptait 18 monastères, plus de 1400 moines et nonnes, ainsi que d’innombrables artistes, traducteurs et calligraphes. Marchands fortunés et hauts dignitaires finançaient la réalisation de nouvelles grottes et des caravanes faisaient le long détour par Mogao afin de prier ou rendre grâce pour un voyage sans encombre dans les terres hostiles de l’Ouest. Selon la tradition, la première grotte date de 366. Les grottes furent abandonnées après la chute de la dynastie Yuan (1234-1368) et sombrèrent dans l’oubli jusqu’au début du 20ème siècle, quand divers explorateurs étrangers les ‘redécouvrirent’. » (Guide Lonely Planet, p. 881). On estime à environ un millier le nombre de grottes qui furent creusées et décorées de peintures et de sculptures entre le 4ème et le 14ème siècle.

Les grottes superposées creusées dans la falaise s’étendent sur une longueur de 1600 mètres. Du fait de l’effritement de la falaise dû à l’érosion, plusieurs grottes dont les plus grandes ont été mises à l’air en raison de la disparition des murs externes. A diverses époques et le plus récemment en 1986, des travaux de conservation ont été entrepris pour stopper ces dégradations et aboutir à l’état actuel : reconstruction des murs externes, aménagement de chemins d’accès aux 496 grottes répertoriées, numérotées et munies de portes en fer cadenassées.

Les peintures murales recouvrent toute la surface intérieure des grottes, murs et plafond inclus. A l’heure actuelle, on en recense 45.000 mètres carrés et on estime que mises bout à bout elles formeraient une galerie de 25 kilomètres de long.










Les experts distinguent 3 (ou 4) périodes :
1/ Les Wei du nord et de l’ouest et les Zhou du nord (396-581) : les grottes de cette période, de style indien, comportent toutes un pilier central représentant un stupa (réceptacle symbolique des cendres du Bouddha). Les peintures sont réalisées avec des pigments naturels issus du broyage de pierres semi précieuses (malachite, cinabre, lapis-lazuli). Durant cette première période, l’influence gréco-bouddhique est importante et côtoie des éléments du symbolisme taoïste. Les sujets traités sont : les histoires bouddhiques, principalement tirées des Jataka (les 547 vies antérieures du Bouddha) et représentées en bandes dessinées pouvant aller jusqu’à 86 scènes ; la mythologie traditionnelle chinoise dans laquelle apparaissent le roi père de l’Orient, la reine mère d’Occident, le couple Fuxi-Nuwa, etc., côtoyant parfois des éléments d’origine indienne comme la perle magique Muni, le roi Asura, … On trouve également dans les grottes de cette époque les portraits de donateurs et des motifs décoratifs.
2/ Les Sui et les Tang (590-907) : durant cette période, les compositions sont grandioses et réalisées dans une gamme de couleurs très riche. Les principaux sujets traités sont : les canons bouddhiques (sutra) ; les paradis bouddhiques dont les représentations s’inspirent des palais et des fastes de la cour des empereurs chinois (musiciennes, danseuses, …) ; les sujets historiques ou les scènes de la vie quotidienne tels les défilés militaires, les caravanes de marchands, les groupes de minorités ethniques, la vie quotidienne des moines dans de la région. Pendant la brève dynastie Sui, les gracieuses courbes indiennes des bouddhas et des bodhisattvas cèdent progressivement la place à la sculpture chinoise, plus rigide ; tandis que sous la dynastie des Tang, l’art de Mogao atteint son apogée avec un raffinement accru des techniques de peinture et de sculpture, l’apparition de Guanyin (représentation féminine du Bouddha de la compassion, particulièrement révérée par les Chinois) et des apsaras volantes (nymphes issues du panthéon hindou, réputées pour leur grande beauté et leur art d’éveiller les sens et de troubler les ascètes). Deux des grottes de cette période renferment de gigantesques statues de Bouddha assis pouvant atteindre plus de 30 mètres de hauteur.
3/ Les Song, les Xixia et les Yuan (907-1368) : durant cette troisième période, le déclin économique de la région dû à l’abandon progressif des routes de la soie au profit de la voie maritime se traduit par un appauvrissement relatif de la création artistique. La somptuosité et la vigueur des peintures Tang cèdent la place à des dessins plus simples et à des reliefs moins travaillés. Des artistes-fonctionnaires appliquent un style académique conventionnel, sans inspiration originale. Les portraits de donateurs se multiplient, ce qui permet de voir la diversité des types de population vivant dans la région. Les Xia de l’Ouest (1036-1227) comme les Yuan (1227-1368) étant d’origine mongole et adeptes du bouddhisme lamaïque, ils inspirent aux artistes chinois un retour à la sobriété.

Contrairement au site de Datong (Cf. 20 septembre) qui se visite individuellement, il faut à Dunhuang suivre un guide-interprète de la langue de son choix sur un parcours préétabli parmi les 496 grottes répertoriées. Il s’agit de répartir le flux des touristes sans provoquer trop d’embouteillages. Tant pis pour celui qui veut absolument voir la grotte 259 qui ne fait justement pas partie du circuit du jour…. Avec quelques difficultés, nous arrivons à cohabiter avec un groupe de français du sud-ouest faisant de la randonnée en vélo dans le désert (sic), et dont la guide chinoise voulait garder l’exclusivité de l’interprète française du site. Tout cela sous l’œil amusé de YZ qui lui n’a pas besoin des explications d’un guide et qui suit notre groupe d’un air désabusé. Ces détails réglés, nous voilà partis pour une visite de 2 heures dans une dizaine de grottes d’époques et de dimensions variées. Les grottes sont sombres par nature et parfois exigües pour recevoir un, deux ou trois groupes plus ou moins bruyants et indisciplinés. Chaque guide éclaire avec une torche électrique les détails des peintures murales ou statues qu’il commente dans un petit micro relié par Wifi à nos casques audio. Notre guide était une jeune femme très compétente et parlant très bien le français. Elle nous a captivés pendant les deux heures que dure la visite. Petits bémols : il n’est pas possible de circuler librement dans les grottes surpeuplées et il est bien sûr interdit de prendre des photos de l’intérieur des grottes en raison de l’affluence et de la grande fragilité des peintures. C’est évidemment frustrant d’être privé de liberté au milieu de tous ces trésors de l’humanité ! Comment faire autrement ? Acheter à la sortie un catalogue officiel et essayer de retrouver les endroits parcourus en groupe. JL s’est donc livré, dès notre retour à une étude documentaire des grottes que nous avons visitées (et dont nous avions finement relevé les numéros). A partir de diverses sources dont il vous livrera le détail, il est en train de rédiger un message spécial dont la publication est imminente.

Au début de l’après-midi, il nous suffit de parcourir 6 km au sud de Dunhuang pour nous retrouver en plein désert de sable. Au pied d'immenses dunes (la plus haute atteint 1700 mètres), on découvre un petit plan d'eau : le lac du croissant de lune.
 
Ici encore, l’organisation à la chinoise a frappé : à l’entrée du site, nous embarquons dans l’un des nombreux minibus électriques qui nous amène au pied de la plus grande dune (il y a bien 100 mètres à parcourir, sans moyen d’échapper au bus qui est obligatoire … et payant !).

On peut escalader l’une des dunes, à pied, à cheval, à dos de chameau, en quad. On peut aussi faire du surf, de l’ULM, du parapente. Bref, une fois évités les chameaux, les chevaux, les quads et autres moyens de transport, heureusement encore optionnels, on peut enfin marcher sur le sable.


  
On n’est même pas obligé (jusqu’à quand ?) de chausser les bottes de cosmonaute – d’une belle couleur orange ! – que vous pouvez voir sur les photos. Seyant, non ? Et surtout, discret…
Cependant, ni la foule de touristes, ni l’ambiance de fête foraine ne parviennent à gâcher la beauté du paysage. Nous n’avons pas escaladé la dune réservée à cet usage, ni chaussé les bottes orange, mais préféré faire le tour du lac, au risque de marcher dans le sable ce qui est somme toute normal dans le désert ! Pendant ce temps YZ photographiait les dunes sous toutes les coutures… 

Mais la journée n’est pas finie. On nous a signalé une forêt de peupliers, très photogéniques si l’on en croit la rumeur et les photos qui ornent le hall de notre hôtel. Pas question qu’elle nous échappe. Eh bien, ce ne fut pas si facile… Je vous passe les détails et les tours, détours et autres circonvolutions qu’il nous a fallu faire pour trouver enfin le gardien et vendeur de tickets d’entrée puis au terme d’un chemin de terre de 2 km… la forêt la plus exiguë que nous ayons jamais vue ! En fait de forêt, nous sommes dans un bosquet de peupliers où se trouvent quelques tables et bancs, ainsi qu’une bâtisse délabrée équipée d’un barbecue… Deux femmes, mère et fille, nous offrent quelques fruits et nous expliquent ensuite qu’il s’agit d’une race bien particulière de peuplier ˗ le populus diversifolia ˗ extrêmement résistant (à la sécheresse, à l’eau salée, etc.) et porteur de feuilles de cinq formes différentes.  
Nous bavardons quelques minutes avec quatre jeunes touristes, un peu déçus à la vue de cette pseudo-forêt (ils ont fait plusieurs heures de train et de marche à pied pour venir prendre des photos…). Les gardiennes de cet endroit expliquent ˗ sans rire ˗ aux photographes frustrés que les feuilles seront jaunes… le 10 Octobre (nous sommes le 26 Septembre).
 On peut voir, ci-contre, les photos faites les années précédentes et exposées sur le site...

En fin d’après-midi, nous repassons brièvement à l’hôtel. Le bilan de la journée est une série de records : après le record kilométrique d’hier (780 km), la visite des grottes bouddhiques les plus anciennes ce matin, celle des dunes les plus hautes (1700 m), de la forêt la plus petite (une cinquantaine de peupliers même pas jaunes). Nous nous demandons bien ce que nous réserve la soirée : c’est encore un record, et il est double. Suivant pour une fois les indications de Lonely Planet (auquel YZ n’accorde pourtant aucune confiance…), nous trouvons le restaurant de fondue « Plangzi Mala Tang ». Avis aux montagnards : ce que nous avons mangé n’a rien à voir avec du fromage fondu ! On apporte sur chaque table une marmite de bouillon pimenté et bouillant dans lequel les convives font cuire divers aliments (légumes, crevettes, boulettes de viande ou de poisson, tofu, etc.) qu’ils trempent ensuite dans une sauce à base de piments et/ou d’ail.
Des brochettes de deux couleurs (une pour les légumes, l’autre pour la viande et le poisson) sont en libre service. Au moment de payer, le serveur fait le décompte des brochettes des deux sortes et applique le tarif : 1 yuan pour la viande et le poisson, 50 centimes pour les légumes.
Nous avons battu ce soir là un double record en mangeant le repas le moins cher et le plus pimenté de notre vie ! YZ nous a expliqué ensuite la signification de l’expression Ma La Tang : ‘ma’ signifie paralysé, en référence à la sensation de paralysie de la bouche produite par le poivre du Sichuan ; ‘la’ signifie pimenté ; et ‘tang’, brûlant. C’est exactement la triple sensation que nous a laissée le Ma La Tang, en plus d’un bon souvenir !
Sur ce, nous allons nous coucher, d’autant plus contents de cette journée que nous avons vu plein de choses intéressantes et n’avons parcouru qu’une petite centaine de km (encore un record !).     


1 commentaire:

  1. - "Ici encore, l’organisation à la chinoise a frappé : à l’entrée du site, nous embarquons dans l’un des nombreux minibus électriques qui nous amène au pied de la plus grande dune" . Le Mont Saint-Michel est en train de subir le même sort. A expérimenter dès le printemps prochain!

    - Les fleurs de cette photo (http://3.bp.blogspot.com/-EVFVEUYaXLk/TwGAVso9z9I/AAAAAAAABv4/X2gkooi8Cis/s1600/DSC01025.JPG) c'est la flore locale ou bien ça fait partie de la déco touristique?

    - Les bottes oranges sont censées protéger la dune n'est-il pas? Ils n'oseraient pas juste pour les petits petons des trekkers tout de même?

    Ha vivement le prochain billet que l'on visite les grottes en colorama!!

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