samedi 31 décembre 2011

Lundi 26 Septembre: la journée de tous les records

Aujourd’hui, le programme est chargé : visite des grottes de Mogao ; balade dans le désert et l’oasis de Mingsha Shan (mont des sables chantants) ; photos dans une forêt de peupliers  (dont les feuilles jaunes devraient être du plus bel effet en cette saison).

Commençons par la visite des grottes bouddhiques de Mogao dont on dit qu’elles sont parmi les plus remarquables du monde. Mogao est situé à 25 km de la ville actuelle de Dunhuang dans la falaise de Mingsha. Au pied des grottes serpente une rivière saisonnière nommée Daquan (grande source) qui arrose une petite oasis verdoyante et luxuriante.
« A son apogée, Mogao comptait 18 monastères, plus de 1400 moines et nonnes, ainsi que d’innombrables artistes, traducteurs et calligraphes. Marchands fortunés et hauts dignitaires finançaient la réalisation de nouvelles grottes et des caravanes faisaient le long détour par Mogao afin de prier ou rendre grâce pour un voyage sans encombre dans les terres hostiles de l’Ouest. Selon la tradition, la première grotte date de 366. Les grottes furent abandonnées après la chute de la dynastie Yuan (1234-1368) et sombrèrent dans l’oubli jusqu’au début du 20ème siècle, quand divers explorateurs étrangers les ‘redécouvrirent’. » (Guide Lonely Planet, p. 881). On estime à environ un millier le nombre de grottes qui furent creusées et décorées de peintures et de sculptures entre le 4ème et le 14ème siècle.

Les grottes superposées creusées dans la falaise s’étendent sur une longueur de 1600 mètres. Du fait de l’effritement de la falaise dû à l’érosion, plusieurs grottes dont les plus grandes ont été mises à l’air en raison de la disparition des murs externes. A diverses époques et le plus récemment en 1986, des travaux de conservation ont été entrepris pour stopper ces dégradations et aboutir à l’état actuel : reconstruction des murs externes, aménagement de chemins d’accès aux 496 grottes répertoriées, numérotées et munies de portes en fer cadenassées.

Les peintures murales recouvrent toute la surface intérieure des grottes, murs et plafond inclus. A l’heure actuelle, on en recense 45.000 mètres carrés et on estime que mises bout à bout elles formeraient une galerie de 25 kilomètres de long.










Les experts distinguent 3 (ou 4) périodes :
1/ Les Wei du nord et de l’ouest et les Zhou du nord (396-581) : les grottes de cette période, de style indien, comportent toutes un pilier central représentant un stupa (réceptacle symbolique des cendres du Bouddha). Les peintures sont réalisées avec des pigments naturels issus du broyage de pierres semi précieuses (malachite, cinabre, lapis-lazuli). Durant cette première période, l’influence gréco-bouddhique est importante et côtoie des éléments du symbolisme taoïste. Les sujets traités sont : les histoires bouddhiques, principalement tirées des Jataka (les 547 vies antérieures du Bouddha) et représentées en bandes dessinées pouvant aller jusqu’à 86 scènes ; la mythologie traditionnelle chinoise dans laquelle apparaissent le roi père de l’Orient, la reine mère d’Occident, le couple Fuxi-Nuwa, etc., côtoyant parfois des éléments d’origine indienne comme la perle magique Muni, le roi Asura, … On trouve également dans les grottes de cette époque les portraits de donateurs et des motifs décoratifs.
2/ Les Sui et les Tang (590-907) : durant cette période, les compositions sont grandioses et réalisées dans une gamme de couleurs très riche. Les principaux sujets traités sont : les canons bouddhiques (sutra) ; les paradis bouddhiques dont les représentations s’inspirent des palais et des fastes de la cour des empereurs chinois (musiciennes, danseuses, …) ; les sujets historiques ou les scènes de la vie quotidienne tels les défilés militaires, les caravanes de marchands, les groupes de minorités ethniques, la vie quotidienne des moines dans de la région. Pendant la brève dynastie Sui, les gracieuses courbes indiennes des bouddhas et des bodhisattvas cèdent progressivement la place à la sculpture chinoise, plus rigide ; tandis que sous la dynastie des Tang, l’art de Mogao atteint son apogée avec un raffinement accru des techniques de peinture et de sculpture, l’apparition de Guanyin (représentation féminine du Bouddha de la compassion, particulièrement révérée par les Chinois) et des apsaras volantes (nymphes issues du panthéon hindou, réputées pour leur grande beauté et leur art d’éveiller les sens et de troubler les ascètes). Deux des grottes de cette période renferment de gigantesques statues de Bouddha assis pouvant atteindre plus de 30 mètres de hauteur.
3/ Les Song, les Xixia et les Yuan (907-1368) : durant cette troisième période, le déclin économique de la région dû à l’abandon progressif des routes de la soie au profit de la voie maritime se traduit par un appauvrissement relatif de la création artistique. La somptuosité et la vigueur des peintures Tang cèdent la place à des dessins plus simples et à des reliefs moins travaillés. Des artistes-fonctionnaires appliquent un style académique conventionnel, sans inspiration originale. Les portraits de donateurs se multiplient, ce qui permet de voir la diversité des types de population vivant dans la région. Les Xia de l’Ouest (1036-1227) comme les Yuan (1227-1368) étant d’origine mongole et adeptes du bouddhisme lamaïque, ils inspirent aux artistes chinois un retour à la sobriété.

Contrairement au site de Datong (Cf. 20 septembre) qui se visite individuellement, il faut à Dunhuang suivre un guide-interprète de la langue de son choix sur un parcours préétabli parmi les 496 grottes répertoriées. Il s’agit de répartir le flux des touristes sans provoquer trop d’embouteillages. Tant pis pour celui qui veut absolument voir la grotte 259 qui ne fait justement pas partie du circuit du jour…. Avec quelques difficultés, nous arrivons à cohabiter avec un groupe de français du sud-ouest faisant de la randonnée en vélo dans le désert (sic), et dont la guide chinoise voulait garder l’exclusivité de l’interprète française du site. Tout cela sous l’œil amusé de YZ qui lui n’a pas besoin des explications d’un guide et qui suit notre groupe d’un air désabusé. Ces détails réglés, nous voilà partis pour une visite de 2 heures dans une dizaine de grottes d’époques et de dimensions variées. Les grottes sont sombres par nature et parfois exigües pour recevoir un, deux ou trois groupes plus ou moins bruyants et indisciplinés. Chaque guide éclaire avec une torche électrique les détails des peintures murales ou statues qu’il commente dans un petit micro relié par Wifi à nos casques audio. Notre guide était une jeune femme très compétente et parlant très bien le français. Elle nous a captivés pendant les deux heures que dure la visite. Petits bémols : il n’est pas possible de circuler librement dans les grottes surpeuplées et il est bien sûr interdit de prendre des photos de l’intérieur des grottes en raison de l’affluence et de la grande fragilité des peintures. C’est évidemment frustrant d’être privé de liberté au milieu de tous ces trésors de l’humanité ! Comment faire autrement ? Acheter à la sortie un catalogue officiel et essayer de retrouver les endroits parcourus en groupe. JL s’est donc livré, dès notre retour à une étude documentaire des grottes que nous avons visitées (et dont nous avions finement relevé les numéros). A partir de diverses sources dont il vous livrera le détail, il est en train de rédiger un message spécial dont la publication est imminente.

Au début de l’après-midi, il nous suffit de parcourir 6 km au sud de Dunhuang pour nous retrouver en plein désert de sable. Au pied d'immenses dunes (la plus haute atteint 1700 mètres), on découvre un petit plan d'eau : le lac du croissant de lune.
 
Ici encore, l’organisation à la chinoise a frappé : à l’entrée du site, nous embarquons dans l’un des nombreux minibus électriques qui nous amène au pied de la plus grande dune (il y a bien 100 mètres à parcourir, sans moyen d’échapper au bus qui est obligatoire … et payant !).

On peut escalader l’une des dunes, à pied, à cheval, à dos de chameau, en quad. On peut aussi faire du surf, de l’ULM, du parapente. Bref, une fois évités les chameaux, les chevaux, les quads et autres moyens de transport, heureusement encore optionnels, on peut enfin marcher sur le sable.


  
On n’est même pas obligé (jusqu’à quand ?) de chausser les bottes de cosmonaute – d’une belle couleur orange ! – que vous pouvez voir sur les photos. Seyant, non ? Et surtout, discret…
Cependant, ni la foule de touristes, ni l’ambiance de fête foraine ne parviennent à gâcher la beauté du paysage. Nous n’avons pas escaladé la dune réservée à cet usage, ni chaussé les bottes orange, mais préféré faire le tour du lac, au risque de marcher dans le sable ce qui est somme toute normal dans le désert ! Pendant ce temps YZ photographiait les dunes sous toutes les coutures… 

Mais la journée n’est pas finie. On nous a signalé une forêt de peupliers, très photogéniques si l’on en croit la rumeur et les photos qui ornent le hall de notre hôtel. Pas question qu’elle nous échappe. Eh bien, ce ne fut pas si facile… Je vous passe les détails et les tours, détours et autres circonvolutions qu’il nous a fallu faire pour trouver enfin le gardien et vendeur de tickets d’entrée puis au terme d’un chemin de terre de 2 km… la forêt la plus exiguë que nous ayons jamais vue ! En fait de forêt, nous sommes dans un bosquet de peupliers où se trouvent quelques tables et bancs, ainsi qu’une bâtisse délabrée équipée d’un barbecue… Deux femmes, mère et fille, nous offrent quelques fruits et nous expliquent ensuite qu’il s’agit d’une race bien particulière de peuplier ˗ le populus diversifolia ˗ extrêmement résistant (à la sécheresse, à l’eau salée, etc.) et porteur de feuilles de cinq formes différentes.  
Nous bavardons quelques minutes avec quatre jeunes touristes, un peu déçus à la vue de cette pseudo-forêt (ils ont fait plusieurs heures de train et de marche à pied pour venir prendre des photos…). Les gardiennes de cet endroit expliquent ˗ sans rire ˗ aux photographes frustrés que les feuilles seront jaunes… le 10 Octobre (nous sommes le 26 Septembre).
 On peut voir, ci-contre, les photos faites les années précédentes et exposées sur le site...

En fin d’après-midi, nous repassons brièvement à l’hôtel. Le bilan de la journée est une série de records : après le record kilométrique d’hier (780 km), la visite des grottes bouddhiques les plus anciennes ce matin, celle des dunes les plus hautes (1700 m), de la forêt la plus petite (une cinquantaine de peupliers même pas jaunes). Nous nous demandons bien ce que nous réserve la soirée : c’est encore un record, et il est double. Suivant pour une fois les indications de Lonely Planet (auquel YZ n’accorde pourtant aucune confiance…), nous trouvons le restaurant de fondue « Plangzi Mala Tang ». Avis aux montagnards : ce que nous avons mangé n’a rien à voir avec du fromage fondu ! On apporte sur chaque table une marmite de bouillon pimenté et bouillant dans lequel les convives font cuire divers aliments (légumes, crevettes, boulettes de viande ou de poisson, tofu, etc.) qu’ils trempent ensuite dans une sauce à base de piments et/ou d’ail.
Des brochettes de deux couleurs (une pour les légumes, l’autre pour la viande et le poisson) sont en libre service. Au moment de payer, le serveur fait le décompte des brochettes des deux sortes et applique le tarif : 1 yuan pour la viande et le poisson, 50 centimes pour les légumes.
Nous avons battu ce soir là un double record en mangeant le repas le moins cher et le plus pimenté de notre vie ! YZ nous a expliqué ensuite la signification de l’expression Ma La Tang : ‘ma’ signifie paralysé, en référence à la sensation de paralysie de la bouche produite par le poivre du Sichuan ; ‘la’ signifie pimenté ; et ‘tang’, brûlant. C’est exactement la triple sensation que nous a laissée le Ma La Tang, en plus d’un bon souvenir !
Sur ce, nous allons nous coucher, d’autant plus contents de cette journée que nous avons vu plein de choses intéressantes et n’avons parcouru qu’une petite centaine de km (encore un record !).     


lundi 19 décembre 2011

25 Septembre: Cap à l'ouest toute, jusqu'à Dunhuang

Nous sommes d’accord tous les trois pour tenter la bonne route jusqu’à Jiayuguan (soit 400 km sur une route en bon état), quitte à nous faire refouler et à nous rabattre alors sur l’ancienne route plus longue (560 km) et surtout très difficilement praticable, pour aboutir au même point. Dans ce dernier cas, il nous faudra faire au moins une étape au milieu de nulle part (camping sauvage dans le désert ?). Ce que nous ne savons pas, c’est où et quand nous devons exactement retrouver les amis et la femme d’YZ : nos questions réitérées sur le sujet se sont toujours heurtées à des réponses vagues, voire contradictoires !
Dès 7 heures 30 ce dimanche matin, nous sommes fin prêts et, une fois fait le plein, nous nous embarquons sur la « bonne route » qui est d’ailleurs quasiment déserte (dans le désert ajoute JL à la relecture…). Aucun problème, aucune mauvaise rencontre. Nous passons à proximité du site de lancement des fusées que JL s’apprête à photographier au vol, ce que je lui interdis. Prudence n’est pas poltronnerie ! A 10 heures, nous quittons la Mongolie à 100 à l’heure sans avoir vu trace de la police. OUF, nous avons une petite pensée reconnaissante pour les gars rencontrés au resto hier, qui nous ont mis sur la piste de cette route absente des cartes mais bien réelle cependant. Au passage, nous nous arrêtons pour regarder passer un train : il est bourré d’officiels qui se rendent sur le site de lancement (il y a une voie de chemin de fer réservée à la desserte du site). Des militaires en grande tenue se tiennent au bord de la voie et saluent le convoi, au garde à vous… Nous nous esquivons discrètement et filons en direction de la province du Gansu. La route est bordée de champs de coton séparés par des barrières de plants de maïs. Nous longeons aussi des champs de piments.
C’est le moment de la récolte : les piments sèchent au soleil et les camions transportent d’énormes ballots de coton. Le paysage est paisible quand nous nous engageons dans le corridor du Hexi, l'ancienne voie de passage de la route de la Soie, située entre les contreforts du plateau tibétain au sud (au loin des sommets enneigés atteignent 5000 mètres d’altitude) et le plateau de Mongolie (désert de Gobi) au nord, d’altitude plus modeste. Cet étroit bandeau de terre (environ 100 km de large) où se succèdent les oasis a été un axe de circulation pendant des millénaires, connectant l'Asie Centrale à la Chine des Hans. Vers midi, nous arrivons aux abords de Jiayuguan, ville qui, d’après le Lonely Planet « constitue une étape majeure de la Route de la Soie…/… [et] continue de marquer la fin symbolique de la Grande Muraille, la limite occidentale de la Chine proprement dite, et pour la Chine impériale, le début de nulle part » (p. 876). Ayant échappé à l’interminable enfer de la mauvaise route (renseignements pris au retour, il nous aurait fallu 8 à 10 heures de plus !), ayant échappé aussi à la police et avouons-le au stress engendré par cette aventure, nous sommes détendus et contents, jusqu’à l’arrivée à Jiayuguan où nous pensons naïvement que nous allons nous arrêter : nous avons quand même parcouru 300 km depuis ce matin !

L’ambiance se dégrade donc quand, sans nous consulter, YZ nous embarque pied au plancher sur une nouvelle autoroute ! Vu tout le temps que nous avons gagné depuis ce matin, nous n’allons pas nous arrêter en si bon chemin et puisque nous avions prévu d’aller à Dunhuang (important site bouddhiste dont les plus anciennes grottes datent du 4ème siècle !) eh bien, nous allons y aller, et tout de suite ! YZ essaie de nous faire croire qu’il ne reste que 200 km, euh non peut-être 250 ou 300… ou n’importe quoi. Bref au terme d’un échange bref mais vif avec JL, il fait comme si nous étions d’accord, après avoir vainement essayé de recueillir l’assentiment de JL qui, manque de pot, a déclaré qu’il n’en dirait pas plus sur le sujet… Après tout, il ne reste que 475 km à parcourir. En avant donc dans un silence assez pesant.
La route est très monotone, juste agrémentée de quelques champs d’éoliennes et d’une quantité de panneaux solaires. Nous visitons aussi quelques stations service (essence, pipi, et on repart…). Détail qui tue et ne contribue pas à rétablir la bonne humeur : dans l’une de ces stations, nous nous trouvons replongés dans l’ambiance –visuelle et olfactive– de nos premiers voyages en Chine tant les sanitaires, pourtant flambant neufs, sont dégueux !
JL qui a pris le volant à la demande d’YZ, reste stoïque devant le spectacle de la circulation routière qui n’est pas des plus réjouissant : files interminables de camions, conduite fébrile, dépassements acrobatiques ; le code de la route est bien malmené. Nous croisons même une voiture qui fonce en sens inverse sur l’autoroute : sans commentaire.  Dans un message spécial, nous essaierons de vous donner une idée de l’ambiance qui règne sur les routes, du mode de conduite assez particulier qu’adoptent la plupart des conducteurs, des petites manies de notre ami au volant, etc.

La région de Dunhuang étant très renommée pour ses melons, on trouve des éventaires au long de la route : nous nous arrêtons dans l’un d’entre eux où nous dégustons plusieurs sortes de melon ; frais, séché, confit, etc. Très bon.





A 18 heures, arrivons enfin à Dunhuang : nous avons passé 11 heures dans la voiture et parcouru 785 km depuis ce matin. Ça commence à bien faire.
JL sort de son mutisme (ceux qui le connaissent peuvent avoir une petite idée de l’ambiance) pour déclarer qu’il ne veut qu’une chose : aller boire une bière sur une terrasse !  
Quand on connait un peu les villes chinoises, on sait que trouver une terrasse est un beau défi... que nous allons relever ! Pas très loin de notre hôtel, situé pour une fois en pleine ville, nous trouvons en effet le marché de nuit. Il ne fait pas nuit et ce n’est pas un marché mais un regroupement de restaurants et de bars, assez sympas et surtout, à ciel ouvert et à l’écart de la circulation : bref, juste ce qu’il nous faut. C'est là  que nous prendrons un repas et quelques bières avant de rentrer à l’hôtel.






Avant de sombrer dans le sommeil, nous réalisons que depuis que nous avons quitté Pékin, il y a 6 jours, nous en sommes à 2790 km… Nous n’en sommes pas fiers, juste un peu fatigués !

samedi 10 décembre 2011

24 Septembre (3). Comment sortir au plus vite de ce guêpier ?

De retour à Ejina vers 15 heures, nous allons manger juste en face de notre hôtel. La conversation avec les propriétaires du resto est très instructive : alors que nous nous renseignons sur la route à emprunter pour quitter au plus vite cet endroit où nous ne sommes pas les bienvenus, nous apprenons qu’il existe trois routes (et non pas seulement deux comme sur les cartes affichées un peu partout, en particulier dans les halls d’hôtel). L’une de ces routes est purement et simplement interdite, réservée à la desserte du site de lancement des fusées alors que la deuxième (celle qui apparaît sur toutes les cartes « publiques ») est en très mauvais état et nécessite en plus un détour considérable. La troisième route enfin est directe et en bon état. Elle contourne le site de lancement et n’est donc pas a priori interdite. C’est évidemment celle que nous devons prendre… à condition de parvenir à la trouver et à convaincre YZ de l’emprunter ! Ce n’est pas gagné. Heureusement, en flânant dans la ville (YZ est allé se reposer et consulter internet…), nous trouvons une librairie dans laquelle JL découvre, à côté de l’officielle qui orne tous les halls d’hôtel, LA carte (dont nous faisons immédiatement l’acquisition) où figurent bien trois routes (sûrement une erreur ou une négligence des services de la censure et du contre espionnage : les espions en herbe deviennent paranos !) Tout s’éclaire en particulier quand nous repérons sur la carte que nous venons d’acheter qu’il y a bien une route à gauche de la voie ferrée. Et pour cause, c’est celle que nous avons empruntée ce matin même, pour nous rendre à Khara Khoto et en revenir. Nous étions en effet très troublés, en regardant la carte affichée dans l’hôtel, (JL surtout, vu son sens de l’orientation comparé au mien…) de ne pas reconnaître le parcours que nous venions de faire ! 
Une fois éclairci ce mystère, nous poursuivons tranquillement notre balade, nous arrêtant dans un square ombragé et fleuri où des petits vieux jouent aux échecs, discutent, gardent leurs petits enfants, etc.
Nous retrouvons l’ambiance de nos voyages habituels, échangeant quelques mots ou gestes avec les gens qui nous entourent. C’est un bon moment : c’est bien simple, nous avons l’impression d’être en vacances !
Nous rentrons à l’hôtel où nous devons retrouver YZ pour aller dîner lorsqu’il reviendra de sa séance de photos. Il a repéré l’endroit propice à quelques kilomètres de la ville : au bord de l’eau, au soleil couchant, proche de la route).
Il fait nuit noire et nous commençons à trouver le temps long quand il téléphone, très agité. Il vient à grand peine de se sortir d’un mauvais pas : s’étant aventuré en voiture au plus près de sa cible, il a réussi à s’ensabler des quatre roues et deux fois de suite en plus !
C’est le moment où jamais d’utiliser la pelle dont il s’est équipé, la corde n’étant d’aucune utilité car il n’y a aucun autre véhicule en vue pour le sortir de tout ce sable…
Nous profitons lâchement de la situation pour le persuader d’emprunter demain la route que nous avons choisie. Elle a en effet l’avantage d’être en bon état et beaucoup plus courte : il sera toujours temps de rebrousser chemin si nous nous faisons refouler. Après cette journée bien remplie, nous allons nous coucher… rassurés et prêts à passer une bonne nuit après avoir mis le réveil à 6 heures.

J’ai oublié de dire qu’au milieu de toutes ces pérégrinations, nous avons appris que le lancement de la fusée devrait avoir lieu entre le 27 et le 29 de ce mois. Nous sommes le 24, il est temps de filer !

mardi 29 novembre 2011

24 Septembre (2) : Khara Khoto ; la citadelle noire



Dûment munis de nos papiers, de notre permis pour étrangers (Aliens' Travel Permit), et délestés au passage de 1100 yuan, nous filons vers Khara Khoto, la citadelle noire, située à une trentaine de kms au sud d’Ejina, dans un désert plat et caillouteux sur lequel poussent juste quelques épineux.

Pour faire le petit baratin qui suit, je me suis inspirée de Wikipédia, du guide Lonely Planet, du résumé anglais d’une conférence donnée par Alexander I. Andreyev (un historien Russe spécialiste de l’histoire du Bouddhisme en Russie) et du film réalisé par Serge Tignères "Aux frontières de la Chine. Khara Khoto : citadelle des sables".
Khara Khoto se situe en plein désert de Gobi. Grâce à l'eau de la "Rivière Noire" venue de l’Himalaya, de nombreuses oasis y ont prospéré dans lesquelles des peuplades nomades du désert, pour la plupart turco-mongoles, se sont fixées, construisant des canaux d’irrigation, cultivant la terre et élevant des troupeaux. Fondée dans les années 1000 par le peuple Tangout, la ville a été prise d'assaut par les Mongols de Gengis Khan au début du 13ème siècle. Elle n'a pas été rasée, mais investie par les Mongols qui, après avoir exterminé les Tangoutes sur l’ordre de Gengis Khan, l’ont agrandie et entourée de remparts, en faisant une cité imprenable et prospère sur la route de la soie, aux portes de la Chine impériale dont elle ne va pas tarder à exciter la convoitise.

En 1372, un général Ming trouve l'idée qui permettra de venir à bout de cette citadelle jusqu'alors imprenable : il suffit de l’assécher ! Aussitôt dit, aussitôt fait : le canal d’irrigation principal est obturé par une digue de sable de 20 mètres de haut. Les Chinois prennent alors facilement la ville qui meurt de soif et ne peut résister à leur siège. Ils la détruisent en grande partie, se débarrassant au passage de l’encombrante concurrence des Mongols ! La ville ne sera plus jamais réoccupée.
C’est seulement au début du 20ème siècle qu’une expédition montée par la Société impériale russe de géographie et conduite par Petr Kozlov fait une découverte sensationnelle sur la frange sud du désert de Gobi : il s’agit des ruines d’une cité médiévale Tangut – Khara Khoto (la ville noire en Mongol).

 
 












Toutes les expéditions avaient jusqu’à présent échoué à mettre au jour cette cité déjà évoquée par Marco Polo ! Si Koslov a renoncé à transporter en Russie les statues bouddhiques trop monumentales, il a dressé un plan de la cité noire et surtout récupéré nombre de textes remontant aux Tangoutes qui sont aujourd’hui conservés à l’Institut des manuscrits orientaux de St Petersburg.
Par ailleurs, en retraçant l’histoire de cette immense forteresse abandonnée depuis le Moyen-âge, une équipe de scientifiques lancée aux portes du désert de Gobi a tenté de déchiffrer l'énigme des changements climatiques dans le nord de ce désert. Ils expliquent en particulier comment les nomades, privés de pâturages pour leurs bêtes, se sédentarisent, renonçant par là même à leurs rites, à leurs traditions, à leur liberté, en raison de la sécheresse persistante qui défigure une région jusqu'alors verdoyante. Les explications apportées par le Professeur Pierre Gentelle dans le documentaire réalisé par Serge Tignères sont à cet égard lumineuses.
J’avais le projet de contacter Pierre Gentelle dès notre retour pour lui dire combien nous avions été impressionnés par le site de Khara Khoto et combien nous lui étions reconnaissants d’avoir su mettre à notre portée ses analyses érudites. Je suis arrivée trop tard : il est mort à l’automne dernier. Voici à son propos quelques extraits de l’hommage qui lui est rendu par Justine Gaborit dans les carnets de l’IFPO (Institut Français du Proche Orient). « Pierre Gentelle, esprit libre des sciences humaines et sociales, homme de terrain, homme de concept, est décédé le 4 octobre 2010. Certains le connaissent comme géographe spécialiste de la Chine, d’autres comme chroniqueur insaisissable (sous le pseudonyme de Cassandre), ou encore comme président de l’association franco-chinoise ; autant d’activités qui composent un puzzle riche et inattendu de toute une vie de recherche et d’action…/…Pierre Gentelle n’était pas d’une école, ni d’une méthode, mais un enquêteur sur le terrain, un chercheur d’indices, de détails qui, dans le paysage ou la carte, révèlent la géométrie des systèmes élaborés par l’homme pour tirer profit des ressources environnementales. Il était de ces chercheurs qui se tiennent devant l’objet de leur étude comme devant le livre ouvert d’un moment de l’histoire des hommes : «Économique, culturelle, aménageante, la trace humaine dans l’environnement naturel est un signe qui alerte l’observateur et l’aide à comprendre un espace-temps donné, celui d’une époque, d’une culture, d’un état de civilisation. »…/… Dans un monde scientifique qu’on perçoit de plus en plus cloisonné, le dialogue qu’a su nouer Pierre Gentelle avec les archéologues est précieux. L’obsession de l’archéologue est de dater son monument, son site, son objet. En milieu aride ou désertique, les ouvrages hydrauliques sont des vestiges bien encombrants et constituent en quelque sorte une énigme : quel est leur lien avec le site fouillé ? D’où venait cette eau qu’ils ont régulée et qui a aujourd’hui disparu ? Quel savoir-faire aujourd’hui oublié détenaient les hommes de l’Antiquité ? ».

Quand nous arrivons aux abords du site de Khara Khoto, nous achetons un ticket d’entrée pour deux sites : la citadelle noire et la forêt morte. A l’entrée de la citadelle se trouve un gardien que je suis à peu près sûre de reconnaître : je pense que c’est celui que nous avons vu dans le film de Serge Tignères ! A ma demande, YZ lui pose la question, et c’est bien lui : il nous dit être là depuis 30 ans et se souvenir des équipes qui ont étudié le site et tourné le film. Il est très ému et nous aussi : c’est vraiment un moment fort de la visite. Après une séance de photos, il nous accompagne aux abords de la citadelle, vers la tour principale.

Des engins luttent contre l’ensablement du site, chargeant sans relâche des camions qui font la navette pour emporter le sable... un peu plus loin dans le désert. A la prochaine tempête, tout sera à refaire… Pour l’instant, YZ prend quelques photos, sans trop de conviction cependant : il est soit trop tôt, soit trop tard, la lumière est mauvaise… pour faire de belles photos ! Nous apprendrons plus tard que par une manipulation malencontreuse, il a perdu presque toutes les photos qu'il a prises ce jour là... Quant à nous, nous « explorons » le site en faisant assez facilement abstraction des chemins de planches qui sont en cours d’aménagement et qui permettront de canaliser les visiteurs quand cet endroit fera partie de circuits touristiques organisés à la chinoise, ce qui ne saurait tarder !
Rien de tel pour le moment : nous ne rencontrons que quelques égarés et pouvons en paix tenter d’imaginer ce que fut cette ville au temps de sa splendeur.

Mais il est temps de partir : la route nous attend ! Après avoir fait nos adieux au gardien, nous rebroussons chemin pour aller, à quelques kilomètres de là, voir la forêt morte (certains disent ‘survivante’) devant laquelle nous sommes passés à l’aller.

À l’entrée se trouve une pancarte portant la mention : “alarm forest” qui est supposée nous alerter sur les dangers de la désertification. Il semble cependant qu’il est un peu tard… En effet, des barrages construits en amont ont conduit à l’assèchement irréversible des rivières et la désertification a fait son œuvre, dans l’indifférence générale. Nous sommes dans une forêt de peupliers aux formes torturées : tout tordus, des troncs d’arbre décolorés gisent à moitié ensevelis dans le sable, “tels des soldats tombés à la bataille” (formule piquée dans un blog).
 
Dans ce vaste cimetière végétal quelques branches, bien vivantes, s’obstinent à repousser en dépit de tout sur des troncs apparemment morts et desséchés depuis un bon nombre d’années.
Devant des yourtes assez délabrées, quelques chameaux font la sieste au soleil en attendant en vain les touristes qui voudraient leur monter sur le dos, juste pour la photo.
          

Nous quittons assez vite ce lieu un peu triste et désolé.

lundi 28 novembre 2011

Samedi 24 septembre : Papy et Mamy font de l’espionnage !

Réveil matinal, café, toilette… A tout hasard, nous rangeons les affaires comme si nous devions plier bagage rapidement. Nous pensons au site de Khara Khoto qui devait être l’un des temps forts de notre voyage en Mongolie et dont la visite, prévue aujourd’hui, est peut-être compromise à jamais…
Nous profitons de notre avance sur l’horaire pour aller faire un tour. Nous découvrons ainsi les nouveaux quartiers en cours d’aménagement de la ville d’Ejina.
C’est impressionnant. Alors que nous sommes à deux pas des rues où s’activent les petits marchands de beignets et de thé, les artisans qui réparent tout et n’importe quoi, nous nous trouvons plongés dans un quartier flambant neuf dont le luxe clinquant est en décalage complet avec son environnement.
 
On peut déjà imaginer que des nouveaux riches arrogants équipés de tous les attributs de la réussite (4x4 rutilants, petits chiens, etc.) et des bureaucrates complices vont investir les larges avenues et les trottoirs qui desservent les immeubles prétentieux tout en marbre dont certains sont déjà occupés même avant d’être complètement finis… Nous ressortons vite de cet endroit, allons nous acheter quelques délicieux beignets que nous dégustons dans la rue avant d’aller affronter la bureaucratie responsable de l’accueil des étrangers qui détient nos précieux passeports !



Nous allons retrouver YZ à l’hôtel, embarquons dans la voiture et partons à la recherche du quartier administratif. Quand nous le trouvons enfin, en plein désert autoroutier, nous restons baba devant la grandiloquence des constructions : le bâtiment du gouvernement de la province et celui de la police dans lequel nous pénétrons. 

L'immeuble du gouvernement de la province

 Mais c’est le grand désert humain. Nous trouvons enfin un gardien qui s’arrache à la série américaine devant laquelle il somnolait pour nous dire que nous devons attendre… la fin de la réunion, certainement importante, qui se tient dans l’une des innombrables salles de ce palace.
 On vient enfin nous chercher : la chef, son assistante et un petit stagiaire zélé que nous traitons cependant avec le plus grand respect car nous avons aperçu que c’est lui qui détient dans ses mains nos passeports ! Nous nous rendons, sous bonne escorte, dans un bâtiment plus modeste réservé à « l’accueil des étrangers ». (ci-dessous).
JL et moi sommes transparents. On ne nous parle pas, on ne nous regarde même pas. On nous fait juste savoir, par l’intermédiaire de YZ, que nous n’avons pas intérêt à la ramener, ni même à faire la moindre remarque ou mimique : ces fonctionnaires nous font savoir qu’ils ne font que leur travail ; ils protègent le pays et ses installations de la curiosité des étrangers (qui sont a priori des espions potentiels…).

Il faut dire qu’à quelques kilomètres d’Ejina, en plein désert, se trouve une base de lancement de fusées. Or, un lancement doit avoir lieu ces jours-ci (on ne peut pas dire à quelle date pour des raisons évidentes de secret bien sûr mais surtout en raison de la paranoïa ambiante qui règne à propos des étrangers). Et si ces deux là (en nous désignant) étaient des espions ! Les raisons qu’invoque YZ pour nous disculper « je voyage avec eux, ce sont mes amis, je les connais depuis 25 ans, etc. » ne suffisent pas à lever les soupçons. Et alors, comment peut-il être sûr que nous ne sommes pas des espions ? Nous réussissons à rester imperturbables pendant que nos passeports et visas sont examinés et photocopiés sous toutes les coutures. Résultat des courses : nous sommes priés de déguerpir dans les 24 heures. Nous allons aussi devoir payer (100 yuans) un permis spécial qui va nous être établi immédiatement ; nous devons également payer sur le champ une amende de 1000 yuans  (soit au moins le salaire mensuel de la bureaucrate en chef !). Ajoutons que le reçu que nous demandons ne pourra pas être établi avant lundi car « le service des factures est fermé le samedi » et il faut qu’une facture soit établie pour obtenir un reçu... Je ne sais pas sur quelle base les 1000 yuans ont été répartis entre les protagonistes de cette brillante opération de contre espionnage !
 On nous rend enfin nos précieux passeports – il est 11 heures – et nous quittons sans regret ce blockhaus et ses occupant(e)s… Auparavant, la chef fait un dernier petit sermon à YZ et lui donne son numéro de téléphone ! Qu’il la contacte directement la prochaine fois qu’il accompagnera des étrangers : les formalités et le paiement de la rançon pourraient ainsi être simplifiés et tout le monde y trouverait son compte ; c’est l’interprétation que nous faisons de cette dernière scène…

La suite de la journée au prochain message !

mardi 22 novembre 2011

23 Septembre : de Wuliji à Ejina

Après un lever matinal (6h30) et une toilette sommaire, nous allons déguster une soupe de nouilles au mouton et piment (oui, comme hier soir) en compagnie des camionneurs qui s’apprêtent à repartir au volant de leurs monstres. La petite fille de la famille, très méfiante tout d’abord, se déride à la vue d’une tablette de chocolat et vient nous faire ses adieux. A 8 heures tapantes, nous prenons la route vers Ejina. Nous sommes en plein désert pierreux : roches de toutes les couleurs (beige, kaki, rose et même pourpre) variant suivant la lumière du soleil levant. Nous nous dirigeons vers le nord ouest, longeant la frontière de la Mongolie extérieure, et ne rencontrant que des chèvres et des chameaux, sans compter les inévitables camions. Au passage, nous repérons à deux pas de l’autoroute une série de yourtes pseudo mongoles toutes neuves et installées en rangs serrés :
c’est un camp de vacances, pardon un village de vacances. On se demande bien à qui cela peut faire envie, sûrement pas aux vrais mongols qui ont depuis longtemps été repoussés dans le désert ou au contraire sédentarisés dans des logements bas de gamme au pied desquels certains s’obstinent à monter une yourte… authentique celle-là.

Au bout d’une heure de route sans histoire, barrage de police : il s’agit cette fois de la police de la route qui contrôle la vitesse des véhicules. Nous recevons un formulaire sur lequel est indiqué l’heure de notre passage et une espèce de barème dont le principe est le suivant : étant donné la vitesse à laquelle nous sommes limités et la distance que nous avons à parcourir, nous savons que nous devons mettre au moins x minutes !
Il suffit au flic qui ramasse les papiers à l’arrivée de vérifier que nous ne sommes pas en avance. Les petits malins que vous êtes ont bien sûr trouvé la parade. Il suffit de faire une ou plusieurs poses en chemin, aux toilettes par exemple, si le coeur vous en dit.

C’est risqué car le bureaucrate est encore plus malin que vous ; en effet, vous pouvez à tout moment être contrôlé par une brigade mobile…



Ayant surmonté toutes ces embûches, nous rendons le formulaire dans les temps et arrivons aux abords d’Ejina, une oasis située dans un désert de sable. A l’entrée de la ville, nous traversons une forêt de peupliers aux couleurs de l’automne, moins flamboyantes cependant que celles des forêts québécoises où nous nous trouvions il y a exactement un an.
 


YZ, qui veut faire des photos, se promet bien de revenir ici-même en fin de journée, à la lumière du soleil couchant. En attendant, il nous faut trouver une chambre : nous comptons rester deux nuits ici, de façon à aller tranquillement à Khara Khoto (pour JL et moi surtout) et à faire des photos (pour YZ surtout).

Quand nous arrivons à Ejina, commence alors une invraisemblable recherche d’hôtel : JL suggère de s’arrêter au centre ville et de prospecter à pieds aux alentours pour repérer un hôtel (ce que nous faisons toujours quand nous n’avons pas d’adresse précise et qui a toujours marché) ; YZ préfère téléphoner, sans quitter sa précieuse voiture, à tel hôtel ou telle pension dont il a pêché les coordonnées sur internet, ou je ne sais où. Il tombe ainsi sur des trucs qu’il estime trop chers par exemple, ou qui sont complets car ‘c’est le festival d’automne du peuplier et les chinois se précipitent pour les concours de photos’… quelques jours plus tard nous aurons droit à ‘il y a beaucoup de monde car ce sont les vacances – obligatoires pour raison de fête nationale – et tous les chinois font du tourisme’, ou je ne sais quoi encore. Enfin, il tombe sur la perle rare : une location de deux chambres chez l’habitant. La propriétaire va même venir nous chercher. Nous n’aurons qu’à la suivre sans même avoir besoin de descendre de voiture. Ça tombe bien car nous n’avons pas l’adresse ni d’ailleurs le plan de la ville (il y a longtemps que le GPS est muet ; nous verrons dans un encart spécial les rapports compliqués que le conducteur de 4x4 chinois entretient avec les cartes et les GPS, ainsi qu’avec le code de la route mais ceci est une autre histoire…). Mais, voici notre hôtesse. Nous la suivons dans un dédale interminable de périphériques et de faubourgs (comment ferons-nous pour retrouver la sortie ?). Quand elle s’arrête et se gare enfin, c’est un gag ! Nous sommes au milieu de nulle part, dans une sorte de banlieue en construction. (JL est trop découragé pour faire des photos : ayez donc un peu d'imagination!). Pas de rues, pas de magasins, pas de trottoirs, pas de piétons, bref, pas de vie ! Nous sommes dans un vaste chantier peuplé d’engins du même nom, environnés de dizaines d’immeubles même pas finis, identiques à celui dans lequel elle nous invite à entrer « pour voir les chambres ». Quand JL et YZ ressortent de la visite, ils insistent pour que j’aille jeter un coup d’œil : JL parce qu’il s’amuse beaucoup de voir ma réaction et YZ parce qu’il n’a toujours pas compris qu’il est hors de question de loger deux nuits (et même dix minutes de plus…) ici ! J’y vais et je ne suis pas déçue, même si je ne vois que l’une des deux chambres, à savoir celle qui nous est destinée.
Je ne fréquente pas beaucoup les chambres de bordel mais c’est ainsi que je les imagine ou que j’ai pu les voir au cinéma… Le mauvais goût clinquant règne. Un lit monumental équipé d’un couvre lit en satin chamarré occupe la plus grande partie de la pièce. Il est garni de descentes de lit en fausse fourrure et surtout, il est surmonté, à la tête, d’un immense cadre en forme de cœur et entouré de plumes blanches (je vous jure que c’est vrai). Dans ce cadre, un jeune couple énamouré (en buste seulement) sourit d’un air bête. Je ne veux pas en voir davantage et je redescends en vitesse pour demander à YZ si c’est une blague, lui dire que je préfère dormir dans la voiture, etc. pendant que JL se marre dans sa barbe…
Le problème, que nous avions anticipé, est de ressortir de ce piège : YZ apprécie assez peu nos plaisanteries et réussit tant bien que mal à retrouver le centre ville. Ayant décidé que j’en ai vu assez et faisant toute confiance à JL, je reste dans la voiture pendant que les deux hommes explorent les environs à la recherche d’un hôtel plus conventionnel et surtout plus conforme à nos attentes. Ça prend un peu de temps mais ils en trouvent enfin un qui réunit tous les suffrages : il y a un parking pour garer le précieux 4x4, un branchement internet pour que YZ puisse surfer, consulter ses mails, etc. (toutes activités auxquelles nous avons renoncé), et surtout cet hôtel est en pleine ville… Ouf ! JL et moi allons nous balader en ville pendant qu’YZ va prendre un peu de repos.
Nous nous retrouvons en fin d’après-midi pour une balade dans la forêt de peupliers que nous avons traversée à l’entrée de la ville. Si JL et moi ne sommes pas très impressionnés par les peupliers, même jaunes, il en va tout autrement de nos amis chinois qui se pressent en rangs serrés (de 4x4) pour venir prendre en photo la moindre feuille morte éclairée par le soleil couchant. .

 

En fait, il s’agit d’un déploiement ahurissant de matériel de photo ultra sophistiqué qui permet à chacun de ces explorateurs de faire les mêmes photos que ses voisins sans s’éloigner de plus de 20 mètres de son véhicule, lequel est garé en dépit du bon sens au plus près de la route ! Quant à nous, nous étant un peu éloignés de la foule, nous avons pu prendre quelques vues du désert de sable qui borde la forêt de peuliers. Grâce à l’attaque en règle des moustiques, la séance de photos est un peu écourtée. Une fois tout le matos (pied, zooms, filtres, et j’en passe…) replié, vroom… nous rejoignons la ville, à la recherche d’un resto où nous pourrons satisfaire le caprice de JL qui tient absolument à manger du chameau. Bof, une fois suffit !

Mais la journée n’est pas finie : alors que nous sommes tranquilles dans notre chambre, on frappe énergiquement à la porte. Quand JL va ouvrir, il se trouve face à YZ accompagné de trois personnes : un policier en uniforme, la patronne de l’hôtel et une jeune policière spécialisée dans « l’accueil » des étrangers ! Pour faire court, disons que les étrangers ne sont pas les bienvenus dans cette ville. Bien plus, ils sont en infraction (pour des raisons qui nous échappent sur le coup mais qui nous seront données plus tard). Nos passeports sont examinés de près et confisqués : nous sommes priés de nous présenter le lendemain matin dans les bureaux de la police des frontières. C’est la première fois que nous sommes à l’étranger, sans papiers et sans autre information que cette convocation, le lendemain samedi. Nous sommes un peu angoissés et, après une pensée pour les sans papiers qui vivent au long cours cette situation dans notre beau pays et ailleurs, nous allons nous coucher en attendant le verdict des bureaucrates : au bout de combien de temps va-t-on nous rendre nos passeports ? À quelles conditions ? Pourrons-nous continuer notre voyage ? Comment trouver les coordonnées du consul de France à Pékin ? (cette dernière question sur le mode ironique est bien sûr signée JL). Bref, nous ne sommes pas très à l’aise et passons une nuit un peu agitée !