mardi 22 novembre 2011

23 Septembre : de Wuliji à Ejina

Après un lever matinal (6h30) et une toilette sommaire, nous allons déguster une soupe de nouilles au mouton et piment (oui, comme hier soir) en compagnie des camionneurs qui s’apprêtent à repartir au volant de leurs monstres. La petite fille de la famille, très méfiante tout d’abord, se déride à la vue d’une tablette de chocolat et vient nous faire ses adieux. A 8 heures tapantes, nous prenons la route vers Ejina. Nous sommes en plein désert pierreux : roches de toutes les couleurs (beige, kaki, rose et même pourpre) variant suivant la lumière du soleil levant. Nous nous dirigeons vers le nord ouest, longeant la frontière de la Mongolie extérieure, et ne rencontrant que des chèvres et des chameaux, sans compter les inévitables camions. Au passage, nous repérons à deux pas de l’autoroute une série de yourtes pseudo mongoles toutes neuves et installées en rangs serrés :
c’est un camp de vacances, pardon un village de vacances. On se demande bien à qui cela peut faire envie, sûrement pas aux vrais mongols qui ont depuis longtemps été repoussés dans le désert ou au contraire sédentarisés dans des logements bas de gamme au pied desquels certains s’obstinent à monter une yourte… authentique celle-là.

Au bout d’une heure de route sans histoire, barrage de police : il s’agit cette fois de la police de la route qui contrôle la vitesse des véhicules. Nous recevons un formulaire sur lequel est indiqué l’heure de notre passage et une espèce de barème dont le principe est le suivant : étant donné la vitesse à laquelle nous sommes limités et la distance que nous avons à parcourir, nous savons que nous devons mettre au moins x minutes !
Il suffit au flic qui ramasse les papiers à l’arrivée de vérifier que nous ne sommes pas en avance. Les petits malins que vous êtes ont bien sûr trouvé la parade. Il suffit de faire une ou plusieurs poses en chemin, aux toilettes par exemple, si le coeur vous en dit.

C’est risqué car le bureaucrate est encore plus malin que vous ; en effet, vous pouvez à tout moment être contrôlé par une brigade mobile…



Ayant surmonté toutes ces embûches, nous rendons le formulaire dans les temps et arrivons aux abords d’Ejina, une oasis située dans un désert de sable. A l’entrée de la ville, nous traversons une forêt de peupliers aux couleurs de l’automne, moins flamboyantes cependant que celles des forêts québécoises où nous nous trouvions il y a exactement un an.
 


YZ, qui veut faire des photos, se promet bien de revenir ici-même en fin de journée, à la lumière du soleil couchant. En attendant, il nous faut trouver une chambre : nous comptons rester deux nuits ici, de façon à aller tranquillement à Khara Khoto (pour JL et moi surtout) et à faire des photos (pour YZ surtout).

Quand nous arrivons à Ejina, commence alors une invraisemblable recherche d’hôtel : JL suggère de s’arrêter au centre ville et de prospecter à pieds aux alentours pour repérer un hôtel (ce que nous faisons toujours quand nous n’avons pas d’adresse précise et qui a toujours marché) ; YZ préfère téléphoner, sans quitter sa précieuse voiture, à tel hôtel ou telle pension dont il a pêché les coordonnées sur internet, ou je ne sais où. Il tombe ainsi sur des trucs qu’il estime trop chers par exemple, ou qui sont complets car ‘c’est le festival d’automne du peuplier et les chinois se précipitent pour les concours de photos’… quelques jours plus tard nous aurons droit à ‘il y a beaucoup de monde car ce sont les vacances – obligatoires pour raison de fête nationale – et tous les chinois font du tourisme’, ou je ne sais quoi encore. Enfin, il tombe sur la perle rare : une location de deux chambres chez l’habitant. La propriétaire va même venir nous chercher. Nous n’aurons qu’à la suivre sans même avoir besoin de descendre de voiture. Ça tombe bien car nous n’avons pas l’adresse ni d’ailleurs le plan de la ville (il y a longtemps que le GPS est muet ; nous verrons dans un encart spécial les rapports compliqués que le conducteur de 4x4 chinois entretient avec les cartes et les GPS, ainsi qu’avec le code de la route mais ceci est une autre histoire…). Mais, voici notre hôtesse. Nous la suivons dans un dédale interminable de périphériques et de faubourgs (comment ferons-nous pour retrouver la sortie ?). Quand elle s’arrête et se gare enfin, c’est un gag ! Nous sommes au milieu de nulle part, dans une sorte de banlieue en construction. (JL est trop découragé pour faire des photos : ayez donc un peu d'imagination!). Pas de rues, pas de magasins, pas de trottoirs, pas de piétons, bref, pas de vie ! Nous sommes dans un vaste chantier peuplé d’engins du même nom, environnés de dizaines d’immeubles même pas finis, identiques à celui dans lequel elle nous invite à entrer « pour voir les chambres ». Quand JL et YZ ressortent de la visite, ils insistent pour que j’aille jeter un coup d’œil : JL parce qu’il s’amuse beaucoup de voir ma réaction et YZ parce qu’il n’a toujours pas compris qu’il est hors de question de loger deux nuits (et même dix minutes de plus…) ici ! J’y vais et je ne suis pas déçue, même si je ne vois que l’une des deux chambres, à savoir celle qui nous est destinée.
Je ne fréquente pas beaucoup les chambres de bordel mais c’est ainsi que je les imagine ou que j’ai pu les voir au cinéma… Le mauvais goût clinquant règne. Un lit monumental équipé d’un couvre lit en satin chamarré occupe la plus grande partie de la pièce. Il est garni de descentes de lit en fausse fourrure et surtout, il est surmonté, à la tête, d’un immense cadre en forme de cœur et entouré de plumes blanches (je vous jure que c’est vrai). Dans ce cadre, un jeune couple énamouré (en buste seulement) sourit d’un air bête. Je ne veux pas en voir davantage et je redescends en vitesse pour demander à YZ si c’est une blague, lui dire que je préfère dormir dans la voiture, etc. pendant que JL se marre dans sa barbe…
Le problème, que nous avions anticipé, est de ressortir de ce piège : YZ apprécie assez peu nos plaisanteries et réussit tant bien que mal à retrouver le centre ville. Ayant décidé que j’en ai vu assez et faisant toute confiance à JL, je reste dans la voiture pendant que les deux hommes explorent les environs à la recherche d’un hôtel plus conventionnel et surtout plus conforme à nos attentes. Ça prend un peu de temps mais ils en trouvent enfin un qui réunit tous les suffrages : il y a un parking pour garer le précieux 4x4, un branchement internet pour que YZ puisse surfer, consulter ses mails, etc. (toutes activités auxquelles nous avons renoncé), et surtout cet hôtel est en pleine ville… Ouf ! JL et moi allons nous balader en ville pendant qu’YZ va prendre un peu de repos.
Nous nous retrouvons en fin d’après-midi pour une balade dans la forêt de peupliers que nous avons traversée à l’entrée de la ville. Si JL et moi ne sommes pas très impressionnés par les peupliers, même jaunes, il en va tout autrement de nos amis chinois qui se pressent en rangs serrés (de 4x4) pour venir prendre en photo la moindre feuille morte éclairée par le soleil couchant. .

 

En fait, il s’agit d’un déploiement ahurissant de matériel de photo ultra sophistiqué qui permet à chacun de ces explorateurs de faire les mêmes photos que ses voisins sans s’éloigner de plus de 20 mètres de son véhicule, lequel est garé en dépit du bon sens au plus près de la route ! Quant à nous, nous étant un peu éloignés de la foule, nous avons pu prendre quelques vues du désert de sable qui borde la forêt de peuliers. Grâce à l’attaque en règle des moustiques, la séance de photos est un peu écourtée. Une fois tout le matos (pied, zooms, filtres, et j’en passe…) replié, vroom… nous rejoignons la ville, à la recherche d’un resto où nous pourrons satisfaire le caprice de JL qui tient absolument à manger du chameau. Bof, une fois suffit !

Mais la journée n’est pas finie : alors que nous sommes tranquilles dans notre chambre, on frappe énergiquement à la porte. Quand JL va ouvrir, il se trouve face à YZ accompagné de trois personnes : un policier en uniforme, la patronne de l’hôtel et une jeune policière spécialisée dans « l’accueil » des étrangers ! Pour faire court, disons que les étrangers ne sont pas les bienvenus dans cette ville. Bien plus, ils sont en infraction (pour des raisons qui nous échappent sur le coup mais qui nous seront données plus tard). Nos passeports sont examinés de près et confisqués : nous sommes priés de nous présenter le lendemain matin dans les bureaux de la police des frontières. C’est la première fois que nous sommes à l’étranger, sans papiers et sans autre information que cette convocation, le lendemain samedi. Nous sommes un peu angoissés et, après une pensée pour les sans papiers qui vivent au long cours cette situation dans notre beau pays et ailleurs, nous allons nous coucher en attendant le verdict des bureaucrates : au bout de combien de temps va-t-on nous rendre nos passeports ? À quelles conditions ? Pourrons-nous continuer notre voyage ? Comment trouver les coordonnées du consul de France à Pékin ? (cette dernière question sur le mode ironique est bien sûr signée JL). Bref, nous ne sommes pas très à l’aise et passons une nuit un peu agitée !

3 commentaires:

  1. Ah cela commence à s'animer. Tout à fait ce que vous m'aviez raconté : on a l'impression d'y être dans cette banlieue chinoise.

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  2. Effectivement, cela commence à ressembler à un roman... et c'est aussi captivant qu'un bon polar. Vivement la suite de vos aventures !!!
    Bises à vous deux

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  3. Et qu'est-ce que c'est drôle!!
    (surtout les deux derniers billets)

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