Dûment munis de nos papiers, de notre permis pour étrangers (Aliens' Travel Permit), et délestés au passage de 1100 yuan, nous filons vers Khara Khoto, la citadelle noire, située à une trentaine de kms au sud d’Ejina, dans un désert plat et caillouteux sur lequel poussent juste quelques épineux.
Pour faire le petit baratin qui suit, je me suis inspirée de Wikipédia, du guide Lonely Planet, du résumé anglais d’une conférence donnée par Alexander I. Andreyev (un historien Russe spécialiste de l’histoire du Bouddhisme en Russie) et du film réalisé par Serge Tignères "Aux frontières de la Chine. Khara Khoto : citadelle des sables".
Khara Khoto se situe en plein désert de Gobi. Grâce à l'eau de la "Rivière Noire " venue de l’Himalaya, de nombreuses oasis y ont prospéré dans lesquelles des peuplades nomades du désert, pour la plupart turco-mongoles, se sont fixées, construisant des canaux d’irrigation, cultivant la terre et élevant des troupeaux. Fondée dans les années 1000 par le peuple Tangout, la ville a été prise d'assaut par les Mongols de Gengis Khan au début du 13ème siècle. Elle n'a pas été rasée, mais investie par les Mongols qui, après avoir exterminé les Tangoutes sur l’ordre de Gengis Khan, l’ont agrandie et entourée de remparts, en faisant une cité imprenable et prospère sur la route de la soie, aux portes de la Chine impériale dont elle ne va pas tarder à exciter la convoitise.
En 1372, un général Ming trouve l'idée qui permettra de venir à bout de cette citadelle jusqu'alors imprenable : il suffit de l’assécher ! Aussitôt dit, aussitôt fait : le canal d’irrigation principal est obturé par une digue de sable de 20 mètres de haut. Les Chinois prennent alors facilement la ville qui meurt de soif et ne peut résister à leur siège. Ils la détruisent en grande partie, se débarrassant au passage de l’encombrante concurrence des Mongols ! La ville ne sera plus jamais réoccupée.
C’est seulement au début du 20ème siècle qu’une expédition montée par la Société impériale russe de géographie et conduite par Petr Kozlov fait une découverte sensationnelle sur la frange sud du désert de Gobi : il s’agit des ruines d’une cité médiévale Tangut – Khara Khoto (la ville noire en Mongol).
Toutes les expéditions avaient jusqu’à présent échoué à mettre au jour cette cité déjà évoquée par Marco Polo ! Si Koslov a renoncé à transporter en Russie les statues bouddhiques trop monumentales, il a dressé un plan de la cité noire et surtout récupéré nombre de textes remontant aux Tangoutes qui sont aujourd’hui conservés à l’Institut des manuscrits orientaux de St Petersburg.
Par ailleurs, en retraçant l’histoire de cette immense forteresse abandonnée depuis le Moyen-âge, une équipe de scientifiques lancée aux portes du désert de Gobi a tenté de déchiffrer l'énigme des changements climatiques dans le nord de ce désert. Ils expliquent en particulier comment les nomades, privés de pâturages pour leurs bêtes, se sédentarisent, renonçant par là même à leurs rites, à leurs traditions, à leur liberté, en raison de la sécheresse persistante qui défigure une région jusqu'alors verdoyante. Les explications apportées par le Professeur Pierre Gentelle dans le documentaire réalisé par Serge Tignères sont à cet égard lumineuses.
J’avais le projet de contacter Pierre Gentelle dès notre retour pour lui dire combien nous avions été impressionnés par le site de Khara Khoto et combien nous lui étions reconnaissants d’avoir su mettre à notre portée ses analyses érudites. Je suis arrivée trop tard : il est mort à l’automne dernier. Voici à son propos quelques extraits de l’hommage qui lui est rendu par Justine Gaborit dans les carnets de l’IFPO (Institut Français du Proche Orient). « Pierre Gentelle, esprit libre des sciences humaines et sociales, homme de terrain, homme de concept, est décédé le 4 octobre 2010. Certains le connaissent comme géographe spécialiste de la Chine, d’autres comme chroniqueur insaisissable (sous le pseudonyme de Cassandre), ou encore comme président de l’association franco-chinoise ; autant d’activités qui composent un puzzle riche et inattendu de toute une vie de recherche et d’action…/…Pierre Gentelle n’était pas d’une école, ni d’une méthode, mais un enquêteur sur le terrain, un chercheur d’indices, de détails qui, dans le paysage ou la carte, révèlent la géométrie des systèmes élaborés par l’homme pour tirer profit des ressources environnementales. Il était de ces chercheurs qui se tiennent devant l’objet de leur étude comme devant le livre ouvert d’un moment de l’histoire des hommes : «Économique, culturelle, aménageante, la trace humaine dans l’environnement naturel est un signe qui alerte l’observateur et l’aide à comprendre un espace-temps donné, celui d’une époque, d’une culture, d’un état de civilisation. »…/… Dans un monde scientifique qu’on perçoit de plus en plus cloisonné, le dialogue qu’a su nouer Pierre Gentelle avec les archéologues est précieux. L’obsession de l’archéologue est de dater son monument, son site, son objet. En milieu aride ou désertique, les ouvrages hydrauliques sont des vestiges bien encombrants et constituent en quelque sorte une énigme : quel est leur lien avec le site fouillé ? D’où venait cette eau qu’ils ont régulée et qui a aujourd’hui disparu ? Quel savoir-faire aujourd’hui oublié détenaient les hommes de l’Antiquité ? ».
Des engins luttent contre l’ensablement du site, chargeant sans relâche des camions qui font la navette pour emporter le sable... un peu plus loin dans le désert. A la prochaine tempête, tout sera à refaire… Pour l’instant, YZ prend quelques photos, sans trop de conviction cependant : il est soit trop tôt, soit trop tard, la lumière est mauvaise… pour faire de belles photos ! Nous apprendrons plus tard que par une manipulation malencontreuse, il a perdu presque toutes les photos qu'il a prises ce jour là... Quant à nous, nous « explorons » le site en faisant assez facilement abstraction des chemins de planches qui sont en cours d’aménagement et qui permettront de canaliser les visiteurs quand cet endroit fera partie de circuits touristiques organisés à la chinoise, ce qui ne saurait tarder !
Rien de tel pour le moment : nous ne rencontrons que quelques égarés et pouvons en paix tenter d’imaginer ce que fut cette ville au temps de sa splendeur.
Mais il est temps de partir : la route nous attend ! Après avoir fait nos adieux au gardien, nous rebroussons chemin pour aller, à quelques kilomètres de là, voir la forêt morte (certains disent ‘survivante’) devant laquelle nous sommes passés à l’aller.
À l’entrée se trouve une pancarte portant la mention : “alarm forest” qui est supposée nous alerter sur les dangers de
Dans ce vaste cimetière végétal quelques branches, bien vivantes, s’obstinent à repousser en dépit de tout sur des troncs apparemment morts et desséchés depuis un bon nombre d’années.
Devant des yourtes assez délabrées, quelques chameaux font la sieste au soleil en attendant en vain les touristes qui voudraient leur monter sur le dos, juste pour