mardi 29 novembre 2011

24 Septembre (2) : Khara Khoto ; la citadelle noire



Dûment munis de nos papiers, de notre permis pour étrangers (Aliens' Travel Permit), et délestés au passage de 1100 yuan, nous filons vers Khara Khoto, la citadelle noire, située à une trentaine de kms au sud d’Ejina, dans un désert plat et caillouteux sur lequel poussent juste quelques épineux.

Pour faire le petit baratin qui suit, je me suis inspirée de Wikipédia, du guide Lonely Planet, du résumé anglais d’une conférence donnée par Alexander I. Andreyev (un historien Russe spécialiste de l’histoire du Bouddhisme en Russie) et du film réalisé par Serge Tignères "Aux frontières de la Chine. Khara Khoto : citadelle des sables".
Khara Khoto se situe en plein désert de Gobi. Grâce à l'eau de la "Rivière Noire" venue de l’Himalaya, de nombreuses oasis y ont prospéré dans lesquelles des peuplades nomades du désert, pour la plupart turco-mongoles, se sont fixées, construisant des canaux d’irrigation, cultivant la terre et élevant des troupeaux. Fondée dans les années 1000 par le peuple Tangout, la ville a été prise d'assaut par les Mongols de Gengis Khan au début du 13ème siècle. Elle n'a pas été rasée, mais investie par les Mongols qui, après avoir exterminé les Tangoutes sur l’ordre de Gengis Khan, l’ont agrandie et entourée de remparts, en faisant une cité imprenable et prospère sur la route de la soie, aux portes de la Chine impériale dont elle ne va pas tarder à exciter la convoitise.

En 1372, un général Ming trouve l'idée qui permettra de venir à bout de cette citadelle jusqu'alors imprenable : il suffit de l’assécher ! Aussitôt dit, aussitôt fait : le canal d’irrigation principal est obturé par une digue de sable de 20 mètres de haut. Les Chinois prennent alors facilement la ville qui meurt de soif et ne peut résister à leur siège. Ils la détruisent en grande partie, se débarrassant au passage de l’encombrante concurrence des Mongols ! La ville ne sera plus jamais réoccupée.
C’est seulement au début du 20ème siècle qu’une expédition montée par la Société impériale russe de géographie et conduite par Petr Kozlov fait une découverte sensationnelle sur la frange sud du désert de Gobi : il s’agit des ruines d’une cité médiévale Tangut – Khara Khoto (la ville noire en Mongol).

 
 












Toutes les expéditions avaient jusqu’à présent échoué à mettre au jour cette cité déjà évoquée par Marco Polo ! Si Koslov a renoncé à transporter en Russie les statues bouddhiques trop monumentales, il a dressé un plan de la cité noire et surtout récupéré nombre de textes remontant aux Tangoutes qui sont aujourd’hui conservés à l’Institut des manuscrits orientaux de St Petersburg.
Par ailleurs, en retraçant l’histoire de cette immense forteresse abandonnée depuis le Moyen-âge, une équipe de scientifiques lancée aux portes du désert de Gobi a tenté de déchiffrer l'énigme des changements climatiques dans le nord de ce désert. Ils expliquent en particulier comment les nomades, privés de pâturages pour leurs bêtes, se sédentarisent, renonçant par là même à leurs rites, à leurs traditions, à leur liberté, en raison de la sécheresse persistante qui défigure une région jusqu'alors verdoyante. Les explications apportées par le Professeur Pierre Gentelle dans le documentaire réalisé par Serge Tignères sont à cet égard lumineuses.
J’avais le projet de contacter Pierre Gentelle dès notre retour pour lui dire combien nous avions été impressionnés par le site de Khara Khoto et combien nous lui étions reconnaissants d’avoir su mettre à notre portée ses analyses érudites. Je suis arrivée trop tard : il est mort à l’automne dernier. Voici à son propos quelques extraits de l’hommage qui lui est rendu par Justine Gaborit dans les carnets de l’IFPO (Institut Français du Proche Orient). « Pierre Gentelle, esprit libre des sciences humaines et sociales, homme de terrain, homme de concept, est décédé le 4 octobre 2010. Certains le connaissent comme géographe spécialiste de la Chine, d’autres comme chroniqueur insaisissable (sous le pseudonyme de Cassandre), ou encore comme président de l’association franco-chinoise ; autant d’activités qui composent un puzzle riche et inattendu de toute une vie de recherche et d’action…/…Pierre Gentelle n’était pas d’une école, ni d’une méthode, mais un enquêteur sur le terrain, un chercheur d’indices, de détails qui, dans le paysage ou la carte, révèlent la géométrie des systèmes élaborés par l’homme pour tirer profit des ressources environnementales. Il était de ces chercheurs qui se tiennent devant l’objet de leur étude comme devant le livre ouvert d’un moment de l’histoire des hommes : «Économique, culturelle, aménageante, la trace humaine dans l’environnement naturel est un signe qui alerte l’observateur et l’aide à comprendre un espace-temps donné, celui d’une époque, d’une culture, d’un état de civilisation. »…/… Dans un monde scientifique qu’on perçoit de plus en plus cloisonné, le dialogue qu’a su nouer Pierre Gentelle avec les archéologues est précieux. L’obsession de l’archéologue est de dater son monument, son site, son objet. En milieu aride ou désertique, les ouvrages hydrauliques sont des vestiges bien encombrants et constituent en quelque sorte une énigme : quel est leur lien avec le site fouillé ? D’où venait cette eau qu’ils ont régulée et qui a aujourd’hui disparu ? Quel savoir-faire aujourd’hui oublié détenaient les hommes de l’Antiquité ? ».

Quand nous arrivons aux abords du site de Khara Khoto, nous achetons un ticket d’entrée pour deux sites : la citadelle noire et la forêt morte. A l’entrée de la citadelle se trouve un gardien que je suis à peu près sûre de reconnaître : je pense que c’est celui que nous avons vu dans le film de Serge Tignères ! A ma demande, YZ lui pose la question, et c’est bien lui : il nous dit être là depuis 30 ans et se souvenir des équipes qui ont étudié le site et tourné le film. Il est très ému et nous aussi : c’est vraiment un moment fort de la visite. Après une séance de photos, il nous accompagne aux abords de la citadelle, vers la tour principale.

Des engins luttent contre l’ensablement du site, chargeant sans relâche des camions qui font la navette pour emporter le sable... un peu plus loin dans le désert. A la prochaine tempête, tout sera à refaire… Pour l’instant, YZ prend quelques photos, sans trop de conviction cependant : il est soit trop tôt, soit trop tard, la lumière est mauvaise… pour faire de belles photos ! Nous apprendrons plus tard que par une manipulation malencontreuse, il a perdu presque toutes les photos qu'il a prises ce jour là... Quant à nous, nous « explorons » le site en faisant assez facilement abstraction des chemins de planches qui sont en cours d’aménagement et qui permettront de canaliser les visiteurs quand cet endroit fera partie de circuits touristiques organisés à la chinoise, ce qui ne saurait tarder !
Rien de tel pour le moment : nous ne rencontrons que quelques égarés et pouvons en paix tenter d’imaginer ce que fut cette ville au temps de sa splendeur.

Mais il est temps de partir : la route nous attend ! Après avoir fait nos adieux au gardien, nous rebroussons chemin pour aller, à quelques kilomètres de là, voir la forêt morte (certains disent ‘survivante’) devant laquelle nous sommes passés à l’aller.

À l’entrée se trouve une pancarte portant la mention : “alarm forest” qui est supposée nous alerter sur les dangers de la désertification. Il semble cependant qu’il est un peu tard… En effet, des barrages construits en amont ont conduit à l’assèchement irréversible des rivières et la désertification a fait son œuvre, dans l’indifférence générale. Nous sommes dans une forêt de peupliers aux formes torturées : tout tordus, des troncs d’arbre décolorés gisent à moitié ensevelis dans le sable, “tels des soldats tombés à la bataille” (formule piquée dans un blog).
 
Dans ce vaste cimetière végétal quelques branches, bien vivantes, s’obstinent à repousser en dépit de tout sur des troncs apparemment morts et desséchés depuis un bon nombre d’années.
Devant des yourtes assez délabrées, quelques chameaux font la sieste au soleil en attendant en vain les touristes qui voudraient leur monter sur le dos, juste pour la photo.
          

Nous quittons assez vite ce lieu un peu triste et désolé.

lundi 28 novembre 2011

Samedi 24 septembre : Papy et Mamy font de l’espionnage !

Réveil matinal, café, toilette… A tout hasard, nous rangeons les affaires comme si nous devions plier bagage rapidement. Nous pensons au site de Khara Khoto qui devait être l’un des temps forts de notre voyage en Mongolie et dont la visite, prévue aujourd’hui, est peut-être compromise à jamais…
Nous profitons de notre avance sur l’horaire pour aller faire un tour. Nous découvrons ainsi les nouveaux quartiers en cours d’aménagement de la ville d’Ejina.
C’est impressionnant. Alors que nous sommes à deux pas des rues où s’activent les petits marchands de beignets et de thé, les artisans qui réparent tout et n’importe quoi, nous nous trouvons plongés dans un quartier flambant neuf dont le luxe clinquant est en décalage complet avec son environnement.
 
On peut déjà imaginer que des nouveaux riches arrogants équipés de tous les attributs de la réussite (4x4 rutilants, petits chiens, etc.) et des bureaucrates complices vont investir les larges avenues et les trottoirs qui desservent les immeubles prétentieux tout en marbre dont certains sont déjà occupés même avant d’être complètement finis… Nous ressortons vite de cet endroit, allons nous acheter quelques délicieux beignets que nous dégustons dans la rue avant d’aller affronter la bureaucratie responsable de l’accueil des étrangers qui détient nos précieux passeports !



Nous allons retrouver YZ à l’hôtel, embarquons dans la voiture et partons à la recherche du quartier administratif. Quand nous le trouvons enfin, en plein désert autoroutier, nous restons baba devant la grandiloquence des constructions : le bâtiment du gouvernement de la province et celui de la police dans lequel nous pénétrons. 

L'immeuble du gouvernement de la province

 Mais c’est le grand désert humain. Nous trouvons enfin un gardien qui s’arrache à la série américaine devant laquelle il somnolait pour nous dire que nous devons attendre… la fin de la réunion, certainement importante, qui se tient dans l’une des innombrables salles de ce palace.
 On vient enfin nous chercher : la chef, son assistante et un petit stagiaire zélé que nous traitons cependant avec le plus grand respect car nous avons aperçu que c’est lui qui détient dans ses mains nos passeports ! Nous nous rendons, sous bonne escorte, dans un bâtiment plus modeste réservé à « l’accueil des étrangers ». (ci-dessous).
JL et moi sommes transparents. On ne nous parle pas, on ne nous regarde même pas. On nous fait juste savoir, par l’intermédiaire de YZ, que nous n’avons pas intérêt à la ramener, ni même à faire la moindre remarque ou mimique : ces fonctionnaires nous font savoir qu’ils ne font que leur travail ; ils protègent le pays et ses installations de la curiosité des étrangers (qui sont a priori des espions potentiels…).

Il faut dire qu’à quelques kilomètres d’Ejina, en plein désert, se trouve une base de lancement de fusées. Or, un lancement doit avoir lieu ces jours-ci (on ne peut pas dire à quelle date pour des raisons évidentes de secret bien sûr mais surtout en raison de la paranoïa ambiante qui règne à propos des étrangers). Et si ces deux là (en nous désignant) étaient des espions ! Les raisons qu’invoque YZ pour nous disculper « je voyage avec eux, ce sont mes amis, je les connais depuis 25 ans, etc. » ne suffisent pas à lever les soupçons. Et alors, comment peut-il être sûr que nous ne sommes pas des espions ? Nous réussissons à rester imperturbables pendant que nos passeports et visas sont examinés et photocopiés sous toutes les coutures. Résultat des courses : nous sommes priés de déguerpir dans les 24 heures. Nous allons aussi devoir payer (100 yuans) un permis spécial qui va nous être établi immédiatement ; nous devons également payer sur le champ une amende de 1000 yuans  (soit au moins le salaire mensuel de la bureaucrate en chef !). Ajoutons que le reçu que nous demandons ne pourra pas être établi avant lundi car « le service des factures est fermé le samedi » et il faut qu’une facture soit établie pour obtenir un reçu... Je ne sais pas sur quelle base les 1000 yuans ont été répartis entre les protagonistes de cette brillante opération de contre espionnage !
 On nous rend enfin nos précieux passeports – il est 11 heures – et nous quittons sans regret ce blockhaus et ses occupant(e)s… Auparavant, la chef fait un dernier petit sermon à YZ et lui donne son numéro de téléphone ! Qu’il la contacte directement la prochaine fois qu’il accompagnera des étrangers : les formalités et le paiement de la rançon pourraient ainsi être simplifiés et tout le monde y trouverait son compte ; c’est l’interprétation que nous faisons de cette dernière scène…

La suite de la journée au prochain message !

mardi 22 novembre 2011

23 Septembre : de Wuliji à Ejina

Après un lever matinal (6h30) et une toilette sommaire, nous allons déguster une soupe de nouilles au mouton et piment (oui, comme hier soir) en compagnie des camionneurs qui s’apprêtent à repartir au volant de leurs monstres. La petite fille de la famille, très méfiante tout d’abord, se déride à la vue d’une tablette de chocolat et vient nous faire ses adieux. A 8 heures tapantes, nous prenons la route vers Ejina. Nous sommes en plein désert pierreux : roches de toutes les couleurs (beige, kaki, rose et même pourpre) variant suivant la lumière du soleil levant. Nous nous dirigeons vers le nord ouest, longeant la frontière de la Mongolie extérieure, et ne rencontrant que des chèvres et des chameaux, sans compter les inévitables camions. Au passage, nous repérons à deux pas de l’autoroute une série de yourtes pseudo mongoles toutes neuves et installées en rangs serrés :
c’est un camp de vacances, pardon un village de vacances. On se demande bien à qui cela peut faire envie, sûrement pas aux vrais mongols qui ont depuis longtemps été repoussés dans le désert ou au contraire sédentarisés dans des logements bas de gamme au pied desquels certains s’obstinent à monter une yourte… authentique celle-là.

Au bout d’une heure de route sans histoire, barrage de police : il s’agit cette fois de la police de la route qui contrôle la vitesse des véhicules. Nous recevons un formulaire sur lequel est indiqué l’heure de notre passage et une espèce de barème dont le principe est le suivant : étant donné la vitesse à laquelle nous sommes limités et la distance que nous avons à parcourir, nous savons que nous devons mettre au moins x minutes !
Il suffit au flic qui ramasse les papiers à l’arrivée de vérifier que nous ne sommes pas en avance. Les petits malins que vous êtes ont bien sûr trouvé la parade. Il suffit de faire une ou plusieurs poses en chemin, aux toilettes par exemple, si le coeur vous en dit.

C’est risqué car le bureaucrate est encore plus malin que vous ; en effet, vous pouvez à tout moment être contrôlé par une brigade mobile…



Ayant surmonté toutes ces embûches, nous rendons le formulaire dans les temps et arrivons aux abords d’Ejina, une oasis située dans un désert de sable. A l’entrée de la ville, nous traversons une forêt de peupliers aux couleurs de l’automne, moins flamboyantes cependant que celles des forêts québécoises où nous nous trouvions il y a exactement un an.
 


YZ, qui veut faire des photos, se promet bien de revenir ici-même en fin de journée, à la lumière du soleil couchant. En attendant, il nous faut trouver une chambre : nous comptons rester deux nuits ici, de façon à aller tranquillement à Khara Khoto (pour JL et moi surtout) et à faire des photos (pour YZ surtout).

Quand nous arrivons à Ejina, commence alors une invraisemblable recherche d’hôtel : JL suggère de s’arrêter au centre ville et de prospecter à pieds aux alentours pour repérer un hôtel (ce que nous faisons toujours quand nous n’avons pas d’adresse précise et qui a toujours marché) ; YZ préfère téléphoner, sans quitter sa précieuse voiture, à tel hôtel ou telle pension dont il a pêché les coordonnées sur internet, ou je ne sais où. Il tombe ainsi sur des trucs qu’il estime trop chers par exemple, ou qui sont complets car ‘c’est le festival d’automne du peuplier et les chinois se précipitent pour les concours de photos’… quelques jours plus tard nous aurons droit à ‘il y a beaucoup de monde car ce sont les vacances – obligatoires pour raison de fête nationale – et tous les chinois font du tourisme’, ou je ne sais quoi encore. Enfin, il tombe sur la perle rare : une location de deux chambres chez l’habitant. La propriétaire va même venir nous chercher. Nous n’aurons qu’à la suivre sans même avoir besoin de descendre de voiture. Ça tombe bien car nous n’avons pas l’adresse ni d’ailleurs le plan de la ville (il y a longtemps que le GPS est muet ; nous verrons dans un encart spécial les rapports compliqués que le conducteur de 4x4 chinois entretient avec les cartes et les GPS, ainsi qu’avec le code de la route mais ceci est une autre histoire…). Mais, voici notre hôtesse. Nous la suivons dans un dédale interminable de périphériques et de faubourgs (comment ferons-nous pour retrouver la sortie ?). Quand elle s’arrête et se gare enfin, c’est un gag ! Nous sommes au milieu de nulle part, dans une sorte de banlieue en construction. (JL est trop découragé pour faire des photos : ayez donc un peu d'imagination!). Pas de rues, pas de magasins, pas de trottoirs, pas de piétons, bref, pas de vie ! Nous sommes dans un vaste chantier peuplé d’engins du même nom, environnés de dizaines d’immeubles même pas finis, identiques à celui dans lequel elle nous invite à entrer « pour voir les chambres ». Quand JL et YZ ressortent de la visite, ils insistent pour que j’aille jeter un coup d’œil : JL parce qu’il s’amuse beaucoup de voir ma réaction et YZ parce qu’il n’a toujours pas compris qu’il est hors de question de loger deux nuits (et même dix minutes de plus…) ici ! J’y vais et je ne suis pas déçue, même si je ne vois que l’une des deux chambres, à savoir celle qui nous est destinée.
Je ne fréquente pas beaucoup les chambres de bordel mais c’est ainsi que je les imagine ou que j’ai pu les voir au cinéma… Le mauvais goût clinquant règne. Un lit monumental équipé d’un couvre lit en satin chamarré occupe la plus grande partie de la pièce. Il est garni de descentes de lit en fausse fourrure et surtout, il est surmonté, à la tête, d’un immense cadre en forme de cœur et entouré de plumes blanches (je vous jure que c’est vrai). Dans ce cadre, un jeune couple énamouré (en buste seulement) sourit d’un air bête. Je ne veux pas en voir davantage et je redescends en vitesse pour demander à YZ si c’est une blague, lui dire que je préfère dormir dans la voiture, etc. pendant que JL se marre dans sa barbe…
Le problème, que nous avions anticipé, est de ressortir de ce piège : YZ apprécie assez peu nos plaisanteries et réussit tant bien que mal à retrouver le centre ville. Ayant décidé que j’en ai vu assez et faisant toute confiance à JL, je reste dans la voiture pendant que les deux hommes explorent les environs à la recherche d’un hôtel plus conventionnel et surtout plus conforme à nos attentes. Ça prend un peu de temps mais ils en trouvent enfin un qui réunit tous les suffrages : il y a un parking pour garer le précieux 4x4, un branchement internet pour que YZ puisse surfer, consulter ses mails, etc. (toutes activités auxquelles nous avons renoncé), et surtout cet hôtel est en pleine ville… Ouf ! JL et moi allons nous balader en ville pendant qu’YZ va prendre un peu de repos.
Nous nous retrouvons en fin d’après-midi pour une balade dans la forêt de peupliers que nous avons traversée à l’entrée de la ville. Si JL et moi ne sommes pas très impressionnés par les peupliers, même jaunes, il en va tout autrement de nos amis chinois qui se pressent en rangs serrés (de 4x4) pour venir prendre en photo la moindre feuille morte éclairée par le soleil couchant. .

 

En fait, il s’agit d’un déploiement ahurissant de matériel de photo ultra sophistiqué qui permet à chacun de ces explorateurs de faire les mêmes photos que ses voisins sans s’éloigner de plus de 20 mètres de son véhicule, lequel est garé en dépit du bon sens au plus près de la route ! Quant à nous, nous étant un peu éloignés de la foule, nous avons pu prendre quelques vues du désert de sable qui borde la forêt de peuliers. Grâce à l’attaque en règle des moustiques, la séance de photos est un peu écourtée. Une fois tout le matos (pied, zooms, filtres, et j’en passe…) replié, vroom… nous rejoignons la ville, à la recherche d’un resto où nous pourrons satisfaire le caprice de JL qui tient absolument à manger du chameau. Bof, une fois suffit !

Mais la journée n’est pas finie : alors que nous sommes tranquilles dans notre chambre, on frappe énergiquement à la porte. Quand JL va ouvrir, il se trouve face à YZ accompagné de trois personnes : un policier en uniforme, la patronne de l’hôtel et une jeune policière spécialisée dans « l’accueil » des étrangers ! Pour faire court, disons que les étrangers ne sont pas les bienvenus dans cette ville. Bien plus, ils sont en infraction (pour des raisons qui nous échappent sur le coup mais qui nous seront données plus tard). Nos passeports sont examinés de près et confisqués : nous sommes priés de nous présenter le lendemain matin dans les bureaux de la police des frontières. C’est la première fois que nous sommes à l’étranger, sans papiers et sans autre information que cette convocation, le lendemain samedi. Nous sommes un peu angoissés et, après une pensée pour les sans papiers qui vivent au long cours cette situation dans notre beau pays et ailleurs, nous allons nous coucher en attendant le verdict des bureaucrates : au bout de combien de temps va-t-on nous rendre nos passeports ? À quelles conditions ? Pourrons-nous continuer notre voyage ? Comment trouver les coordonnées du consul de France à Pékin ? (cette dernière question sur le mode ironique est bien sûr signée JL). Bref, nous ne sommes pas très à l’aise et passons une nuit un peu agitée !

lundi 21 novembre 2011

22 Septembre : de Linhe à Wuliji












Pour une fois, nous sommes sur une petite route de campagne déserte (champs de maïs et de tournesol, ponctués par quelques parcelles de… piments !). C’est agréable jusqu’au moment où nous sommes arrêtés par la police. Une caméra sournoise vient de nous flasher alors que nous roulions à 60 km/h environ. Le flash déclenche une sonnerie sur l’ordinateur portable des flics embusqués derrière un bosquet… Ils nous affirment, sans avoir l’air d’y croire plus que nous que la vitesse est limitée à 40. Résultat des courses : 200 yuan (25 €) qui vont passer directement de la main à la main, sans formalité supplémentaire. Quand plusieurs voitures passent à vive allure, au bas mot 100-110 km/h, les trois agents rigolards ne font pas un geste pour les arrêter. Il faut croire qu’ils ont rempli leur quota de la journée.
Passé cet incident mineur, nous continuons  sur notre petite route jusqu’à atteindre un tout autre relief : sable et cailloux, quelques rares touffes de végétation que broutent les ânes et, sur notre droite, la montagne aride. Nous entrons dans le désert de Gobi. 
Sur la route, dans le désert de Gobi

  
l'entrée d'un village de vacances

                                                                        

 

  






Après être passés devant un village de vacances "à la Mongole", (ci-dessus), nous faisons une petite incursion (15 km: une bonne heure) sur une piste étroite et caillouteuse (cidessous) d'où un  cañon nous conduit dans le minuscule village Aguimiao.
 


Nous allons y visiter un temple tibétain datant du 14ème siècle. 


Au passage, nous avons croisé sur cette piste étroite et accidentée, quelques mobylettes, un chameau en liberté et douze bus remplis d’enfants qui nous font de grands signes…

Quand nous retrouvons la route principale, c’est dans un paysage à couper le souffle. Des pics montagneux nous entourent à perte de vue, formés de roches dont les couleurs varient du beige un peu verdâtre au grenat. Sous le soleil, c’est superbe (les photos que JL prend au vol sont moins éblouissantes mais elles donnent une idée…).

  Après ces reliefs grandioses, nous retrouvons le désert de cailloux ponctué de quelques dunes de sable et peuplé de chameaux et de chèvres (mongoles ?) aux longs poils soyeux.




Lorsque nous faisons une petite pause, nous assistons au montage d'une yourte... traditionnelle celle-la, que les habitants installent à côté de l'habitation en dur dans laquelle ils sont censés loger.




Cette ambiance bucolique se rafraîchit quelque peu lorsque nous sommes arrêtés par un barrage de police alors que JL est au volant … en toute illégalité. En effet, le permis international n’étant pas reconnu en Chine, les étrangers n’ont pas le droit de conduire (sauf à avoir passé le permis en Chine). Heureusement, les rôles sont bien partagés dans la police et ceux qui nous arrêtent ne s’occupent pas de la circulation automobile mais du contrôle aux frontières. Nous devons aller nous faire enregistrer au poste de police, ce que nous faisons bien volontiers, sous bonne escorte. 
En plein désert, nous arrivons devant l’immeuble de la police : hall monumental, tout neuf ; plusieurs bureaux dans lesquels trois ou quatre bureaucrates se battent les flancs devant leurs ordinateurs flambant neufs (en veille) ; dans une cuvette, une grappe de raisin trempe ; à côté, des haltères pour entretenir la forme, une photocopieuse monumentale encore sous sa housse…. Nos passeports sont examinés, photocopiés sous toutes les coutures sur l’une des imprimantes. Après quoi, on nous laisse repartir.  Ceci n’est que le premier des épisodes de la série : l’accueil des étrangers en Chine sur lequel nous aurons à revenir !
Cet épisode n'est illustré d'aucune photo : c'est comme les ponts et les installations militaires; secret !

Arrivés  à Wuliji, nous trouvons un hébergement (on ne peut pas parler d’hôtel) au milieu de nulle part.



Ci-contre, l'entrée de l'hôtel. Notre chambre est juste derrière le tas de terre ! Au premier plan, c'est moi : JL m'a posée là pour donner une idée de la hauteur du tas ! 




Autour, c’est le désert. On se croirait dans un album de Lucky Luke : une seule rue, une station service désaffectée, quelques restaurants sommaires, et… qui arrive à l’hôtel ? Pas les Daltons, non, deux flics ! La rumeur va vite : on aurait signalé des visages pâles… A nouveau, on contrôle nos passeports. Le plus gradé des deux en examine soigneusement toutes les pages, puis passe à son subordonné qui, sachant tracer les lettres assez aisément, est chargé de recopier les informations principales pour le rapport, ou la poubelle. Ils nous prennent aussi en photo tenant le passeport ouvert au niveau de l’épaule gauche, genre photo anthropométrique. Enfin, le chef lui-même pose pour quelques photos que prend son subordonné pendant que lui-même fait mine de lire nos passeports. Pour des raisons évidentes, nous n’avons, nous, pas pris de photos pour immortaliser cette mascarade qui se déroule cependant dans une ambiance relativement détendue. Il vous faudra nous croire sur parole et imaginer le reste comme il vous plaira.

Après avoir satisfait à la curiosité, nous allons explorer les ressources locales puis reprendre des forces dans l’un des restaurants familiaux qui bordent la route. A vrai dire, il y a une grande variété de cuisines, un grand nombre de provinces sont représentées comme si les camionneurs venus d'un peu partout cherchaient à retrouver les spécialités culinaires de leur région. Comme dit JL, c'est une "ville étape", même si la station service est désaffectée !
Pour conclure ce message, voici quelques photos de notre balade touristique en ville, avec les curiosités les plus remarquables de cette étape.

L'office du tourisme
  
La rue principale.. et unique: bordée de restaurants et,
à côté, les toilettes publiques
bien roses au soleil couchant






La journée se termine au resto : chèvre et nouilles au piment. Nous suscitons l'intérêt et la curiosité et plusieurs personnes viennent se faire photographier avec nous. Après le repas, nous pouvons enfin nous retirer dans notre palace, à l’abri des regards. Demain est un autre jour ! Nous avons déjà parcouru 1410 km…


  


jeudi 17 novembre 2011

21 Septembre : de Hohhot à Linhe (ex Bayanour)

Avant de quitter Hohhot, nous allons visiter la pagode Wuta, le temple Xilitu et la vieille ville.
La pagode Wuta (qui mesure plus de 15 m de haut) fut construite en 1727, sous la dynastie des Qing.





On lui donne également le nom de temple aux mille bouddhas, en raison du grand nombre de bouddhas (plus de 1500) sculptés en bas-relief.


Quant au temple Xilitu (ci-dessous) construit en 1585 et détruit par un incendie, il fut reconstruit au 19ème siècle, puis entièrement « remis à neuf » après les dommages subis pendant la révolution culturelle. C’est l'un des plus grands et des plus célèbres temples de Mongolie Intérieure, siège du bouddhisme tibétain dans la région (en mongol, "Xilitu" signifie "siège sacré").






Les moulins à prière que les fidèles font tourner
avant de pénétrer à l'intérieur du temple (en tournant dans le sens des aiguilles d'une montre)
 
Statues, tentures, tambours... à l'intérieur du temple.

Ne pas oublier les offrandes : tout est bon à prendre, même les billets de banque à l'effigie de Mao...



Nous ne sommes pas entrés dans le temple Da Zhao (grande lamaserie en activité) situé en face du précédent : la tolérance de notre ami aux constructions, sculptures et autres symboles religieux ayant atteint ses limites !



Une remarque au passage sur la statue monumentale de Gengis Khan (ci-contre) qui se trouve entre les deux temples : il y est représenté sous les traits et avec les attributs du Bouddha !




Enfin, nous sommes allés faire un tour de la « vieille ville » ou plutôt d’un simulacre de vieille ville. Des reconstitutions de maisons anciennes (dynastie Qing, laquelle a duré jusqu'au début du 20ème siècle) y abritent des boutiques de souvenirs tous plus kitsch les uns que les autres, le tout à l’ombre de parasols Pepsi et Coca ! Pas de jaloux... et ma pomme en prime!


Après cette petite incursion culturelle, nous reprenons la route. A la sortie de Hohhot, c’est l’embouteillage. Tous les automobilistes tentent de passer devant les autres, changent sans cesse de file pour gagner 50 cm, doublent à gauche ou bien à droite, et, bingo, une voiture nous rentre dedans… Les deux chauffeurs s’invectivent, se rejetant mutuellement les torts, dans le bruit des klaxons de ceux qui sont coincés derrière ! La discussion n’aboutissant pas à son profit, YZ appelle les flics. Après une bonne demi-heure de tentatives de conciliation, les conducteurs doivent choisir entre : appeler un expert, ce qui peut nous retenir -au moins- le reste de la journée ou « s’arranger » l’un donnant 100 yuan à l’autre et qu’on n’en parle plus ; avec l’espoir que l’assurance paie… peut-être ! Cette solution ayant été adoptée par les protagonistes (au profit de notre véhicule), nous repartons en direction de Linhe, via Baotou.

Nous sommes sur l’autoroute, en butte à des travaux gigantesques qui se succèdent sur au moins 200 km. La chaussée est défoncée, nous roulons sur une file (ce qui n’empêche pas les kamikazes du bitume d’essayer de doubler dans des conditions acrobatiques). Bien plus, le paysage est désolant : comme le signale le guide Lonely Planet "s’étirant sur plus de 20 km, Baotou est un centre industriel pollué et poussiéreux. A moins d’un intérêt particulier pour la sidérurgie, les voyageurs n’ont pas de raison d’y faire halte…" Dont acte, non sans une petite pensée pour les habitants de cette région inhospitalière, qui assistent à la course effrénée du progrès industriel en n’en subissant que les effets néfastes (cadre de vie, pollution, etc.). Il n'y avait non plus aucune raison d'y faire des photos (d'autant plus que JL est au volant !). Quand le paysage s’éclaircit enfin, nous traversons une plaine immense dans laquelle on récolte en ce moment les têtes de tournesol.
Tant bien que mal, nous arrivons à Linhe. Le compteur affiche 1100 km depuis notre départ de Pékin (hier matin seulement).

A bientôt : j'attends vos commentaires...