Ce matin, il fait 4°C. Le ciel est bleu, le soleil brille et nous nous apprêtons à refaire en sens inverse une partie de la route faite hier ! Toutefois, nous ne regrettons pas ce détour qui nous a permis de connaître Qilian et ses magnifiques montagnes. Le premier objectif est de trouver de l’essence mais, pour raison de fête nationale, cela s’avère un peu plus compliqué que prévu. Autre retombée, positive celle là, de la fête nationale : tout le monde, ou presque est en vacances, y compris le personnel des autoroutes qui sont de ce fait gratuites… En échange, nous recevons un formulaire bilingue – chinois/ tibétain – dans lequel sont présentés les différents tarifs du péage, de la mobylette au 15 tonnes, au moins.
Nous franchissons un col à 3771 mètres : pas le moindre malaise ; nous nous arrêtons un peu pour prendre le frais ! Nous traversons ensuite un paysage un peu monotone dans la grisaille. De grosses fermes ponctuent le décor : céréales, vaches, champ de colza que l’on récolte en ce moment. A la sortie d’un long tunnel, nous atteignons le record d’altitude de la journée (3810 m) avant d’entamer la descente vertigineuse sur une route en lacets.
Nous y croisons de nombreux véhicules dont certains doublent dans des conditions acrobatiques : dans un virage, dans un tunnel, face à un camion, etc. La dernière partie de la route, avant Xining, est assez désagréable : grisaille, nuages, sans compter la pollution liée aux nombreuses usines qui jalonnent la route.
C’est le moment que JL choisit pour dire que nous ne souhaitons pas aller au lac Qinghai le lendemain. Les derniers kilomètres se déroulent dans un silence pesant. Nous arrivons à l’hôtel, montons les bagages dans notre chambre, suivis par YZ qui souhaite « discuter de la suite du programme ».
Nous aussi, ça tombe bien ! La discussion s’engage alors… difficilement. Nous essayons d’exposer calmement les raisons de notre décision : nous estimons avoir fait un nombre suffisant de kilomètres – 4450 km en 12 jours – sans avoir besoin d’en rajouter 600 pour aller prendre quelques photos ; nous sommes tout à fait capables de prendre un bus pour faire quelques centaines de km – même si le confort de la voiture n’est pas en cause ; nous préférons passer du temps à Tongren qui comporte de nombreux sites tibétains plutôt que d’aller en rangs serrés faire le tour d’un lac qui en plus devrait être dans le brouillard ; etc. YZ n’apprécie pas du tout ce qu’il prend pour une critique de son organisation (!) et aussi et surtout comme une manifestation de notre ingratitude alors que son seul objectif a été depuis le départ de nous faire plaisir…
Ne nous sentant absolument pas engagés par ce qu’il a vraisemblablement promis à ses amis sans nous consulter ni même nous tenir au courant (sans doute pour nous faire la surprise et augmenter ainsi notre plaisir), nous essayons de lui démontrer que nous ne sommes pas obligés d’avoir exactement les mêmes goûts ni les mêmes intérêts, et que donc nous pouvons ne pas avoir exactement les mêmes activités (« certains peuvent aimer les visites de temples et d’autres préférer photographier des feuilles mortes…» : cet exemple n’est pas apprécié à sa juste valeur, je trouve !). Rien n’y fait. Nous avons même droit à un petit couplet moralisateur sur le fait que, étant engagés dans une aventure collective, nous devrions nous plier à la loi du groupe, etc. Bref, YZ est très déçu de notre attitude, pour ne pas dire de notre trahison alors que nous devrions avoir à cœur de préserver à tout prix la cohésion du groupe (?) y compris en faisant quelques concessions. Nous réussissons dans tout ce fatras à nous faire préciser que nous devons être à Jiuzhaigou (un parc national) le vendredi 7 au soir (nous apprenons dans la foulée que RM, la femme d’YZ, doit y prendre l’avion pour rentrer à Pékin dès samedi matin). Il reste donc 5 jours à occuper le plus agréablement possible… Comme YZ est passablement énervé, surtout contre moi, je décide de me taire et de mettre par écrit un projet pour les cinq prochains jours, ce qui n’est pas très compliqué vu les contraintes à respecter (points de départ et d’arrivée, temps dont nous disposons, arrêts souhaitables, etc.). Ceci donne lieu à une proposition de programme (dont chacun garde un exemplaire) où sont précisées les prochaines étapes, les visites prévues, les arrêts, etc. C’est tout juste si nous ne procédons pas à la signature solennelle de ce que nous appellerons par la suite (entre nous) l’accord de Xining ! YZ, qui commence à craquer, déclare trouver tout cela très bien et compte aller de ce pas soumettre cette proposition aux autres pendant que nous allons faire un tour en ville. Son revirement est spectaculaire : en fait, dit-il, il ne tient pas tellement à aller au bord de ce fichu lac qu’il a déjà vu d’ailleurs, d’autant plus qu’il ne fait pas beau, de toutes façons ça n’était qu’une proposition, on peut en discuter, etc.). Tout cela ne nous fait ni chaud ni froid : tout ce que nous voulons, c’est arriver à nos fins, et nous avons le sentiment d’être sur la bonne voie ! C’est donc gonflés à bloc que nous partons, à pied, vers le centre ville. En fait, notre véritable objectif est… la gare des bus où nous comptons nous renseigner sur les horaires, les tarifs, la fréquence des départs pour Tongren où nous avons fermement décidé d’aller dès demain matin, et ceci, quelle que soit la décision ‘du groupe’ : s’ils sont partants, nous irons avec eux en voiture, sinon nous irons tous les deux en bus.
Nous sommes ravis d’être laissés à nous-mêmes pour quelques heures et reprenons nos distractions favorites : prendre un bus de la ville pour atteindre la gare (objectif atteint), trouver le guichet ad hoc et les horaires (objectifs atteints), acheter deux tickets pour le bus de 9h30 (objectif atteint : nous avons même des places numérotées, le n° du bus, celui du quai, tout cela pour la somme modique de 34,3 yuan par personne, etc. comme vous pouvez le voir sur les tickets…) ! Bref, pour une dizaine d’euros, nous passons un bon moment !
De la gare, nous passons au marché tibétain où nous baguenaudons un moment devant les différents étals : vêtements doublés de fourrure, robes de moines, clochettes, cymbales et autres chasse-mouches, sans compter les stands de nourriture assez peu appétissante.
De retour à l’hôtel, nous retrouvons YZ et RM et sommes présentés à nos futurs compagnons de voyage (WJ et sa femme SR) : ils viennent de parcourir plus de 2000 km (en 2 jours) pour venir nous rejoindre à bord de leur Cherokee flambant neuf, conduit par SR.
Avant que nous ne passions à table, YZ nous prend à part pour nous annoncer l’issue des négociations : banco sur toute la ligne ; notre proposition étant adoptée à l’unanimité, nous partirons dès demain matin pour Tongren, tous ensemble dans l’unité retrouvée ! Sur ces fortes résolutions, nous passons à table et apprenons à l’occasion que nous sommes invités… C’est une débauche de plats qui s’amoncellent sur la table et qui ne résistent pas au solide appétit de nos nouveaux camarades. Les deux feront d’ailleurs preuve, tout au long de notre périple commun, d’une certaine voracité, engloutissant en un temps record jusqu’au dernier grain de riz et à la dernière goutte de sauce les divers plats commandés en abondance à chaque repas. Une fois cette affaire rondement menée, on ne s’attarde pas : chacun retrouve son intimité, en attendant demain et le début de nouvelles aventures.
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